samedi 3 octobre 2009

Quand l'école gratuite, laïque et obligatoire devient... rémunérée


On connaissait déjà la théorie du bâton et de la carotte pour motiver les élèves... Maintenant, il faudra parler de cagnotte. Dès lundi, l'académie de Créteil mettra en place un système de rémunération afin d'endiguer l'absentéisme d'élèves récalcitrants. Finie l'école buissonnière, bienvenue dans l'école bling-bling.



Simple et efficace?
5% des élèves du second degré sont absents plus de quatre demi-journées par mois et 1% des 3,25 millions de collégiens français seraient déscolarisées. Des chiffres alarmants qui nécessitent de prendre des décisions rapides certes, mais efficaces. Dès demain, trois lycées professionnels expérimenteront le tout nouveau dispositif : les lycées Lino-Ventura en Seine-et-Marne, Gabriel Péri en Val-de-Marne et Alfred Costes en Seine-Saint-Denis, soit six classes. Le principe est assez simple : les élèves bénéficieront d'un pécule pouvant atteindre 2000 euros, financée par le Haut Commissaire à la Jeunesse. Principal moyen de faire enfler la cagnotte : être assidu (1 200 euros maximum). Restent les 800 euros, pouvant être acquis si la 'note de vie de classe' est plus que satisfaisante. Au total, une classe modèle pourrait accumuler jusqu'à 10 000 euros et financer ainsi des projets collectifs comme des voyages scolaires ou l'achat de matériel informatique.

Lutter contre l'absentéisme

Le remède est-il alors pire que le mal? Pas forcément. Contre les arguments fallacieux craignant une privatisation de l'effort scolaire, le recteur de l'Académie de Créteil se défend : loin de vouloir favoriser les comportements consuméristes et individualistes, il s'agit plutôt de motiver une action collective car "c'est la présence de tous qui contribue au succès de tous". Clair et simple, ce système pourrait-il être si efficace que le suggère le nouveau ministre de l'éducation, Luc Chatel? Contre les chantres d'une école moderne non sacrifiée sur l'autel du profit, le ministre répond clairement : il ne s'agit pas de payer les élèves mais de les inciter à "financer un projet collectif". Arguant que le système est pour le moment en expérimentation sur un nombre d'établissements limité, il assure sur France Info que la visée ultime du procédé reste la lutte contre l'absentéisme. Exit les allocations familiales sucrées pour les parents d'élèves trop de fois absents. Cette fois, on s'attaque au coeur de la cible : les élèves.


La culture du dollar contre la douleur de l'école

Préjuger que l'élève est avant tout motivé par une visée pécuniaire dérange nombre de spécialistes du milieu scolaire. L'Association SOS Education stigmatise une décision "immorale", "véritable camouflet aux professeurs". Il y a comme l'impression d'avoir à se justifier d'être là, assis à son bureau et d'enseigner des matières inutiles comme l'histoire ou le français. Jusqu'à la branche extrême de la vie politique, on dénonce cette nouvelle lubie gouvernementale : Marine Lepen parle de la "dernière bouffonnerie de Sarkozy". Quant à la FCPE, elle juge que cette mesure entraînera à terme une "perversion du sens de l'école et des objectifs de l'éducation nationale". Dans le Parisien, le sociologue de l'éducation Philippe Mérieu s'insurge contre l'amalgame que provoque un système de rémunération : la rétribution symbolique de l'école (apprentissage, savoirs, réseau social, discipline aussi) glisse dangereusement vers une rétribution financière, faisant oublier que l'école peut être intéressante par nature. "Le côté collectif de la cagnotte, c'est un peu l'inverse de la punition collective, mais avec les mêmes risques d'effet de groupe, de règlements de compte", commente Philippe Meirieu. Car si un élève ne veut pas rentrer dans le système rétributif, il pénalise le reste de sa classe, pouvant subir des pressions de la part de ses camarades.
Que faire?
Mais pour la plupart de ces intervenants, d'autres pistes sont préférables mais une même idée se dégage : l'école doit revoir sa copie, professeurs et élèves inclus. Voilà quelques maigres idées : intéresser les élèves au contenu des cours, faire comprendre l'utilité de l'école au-delà du simple bulletin (de notes, et non de paie), mieux former des professeurs parfois désemparés, développer les méthodes d'apprentissage alternatives et impliquer le monde extérieur à ce lieu étriqué et parfois réducteur que peut être - paradoxalement - l'école. Bref, donner enfin à l'école toute l'envergure de sa mission.


Au-delà de ces considérations, le problème de ce type d'initiative réside dans le simple fait que venir à l'école n'est pas suffisant en soi, encore faut-il y travailler correctement. Alors à quand un vrai salaire pour les élèves? Dix euros le commentaire de texte, 8 pour l'exo de maths. Eux qui s'arrogent presque chaque année un droit de grève, il faudrait apprendre aux élèves qu'à chaque droit, correspond toujours... des devoirs!



mercredi 15 juillet 2009

Non au "ou pas"


Traînant inlassablement sur Facebook, en quête de je-ne-sais-quoi, je m'étonne de voir apparaître un petit encadré annonçant que dix de mes amis sont devenus "fan" de l'expression "Ou pas". Voilà qui suffit à m'interpeller.

Bien plus répandu que "genre" et moins culte que "c'est pas faux" (tiré de la série Kaamelott et son personnage mythique Perceval, ce qui lui donne une légimité un peu plus grande), "ou pas" s'impose dans le langage quotidien. Expression consacrée et outrancièrement utilisée, "ou pas" est devenu en 2009 le must de la conversation. Cette fameuse page sur Facebook ne compte pas moins de... 357 009 fans. Si voir dix de mes amis (sur quelque 200, la blague) ne me choque pas tellement, je suis attérée devant ce chiffre monstre. Plus de 350 000 personnes en manque de rhétorique, c'est triste. Le seul répondant que trouvent les gens tient en deux mots, minables et si banals, montrant la dualité étriquée d'esprits en mal d'éloquence. Utilisé souvent pour détendre l'atmosphère, montrer qu'on a quelque chose à dire - si creux cela puisse être -, "ou pas" est l'expression par excellence des grandes gueules qui osent aller à contre-courant de leurs interlocuteurs.

"- Eh, il est vraiment génial le dernier Woody Allen.

- Ou pas"

Cette simple expression coupe court à toute palabre alors jugée inutile, l'emploi du "ou pas" signifiant à lui-même toute l'incongruité d'une possible discussion prolongée. Signe des temps modernes, où prendre le temps d'argumenter et de donner son avis en long, en large et en travers devient surrané, le "ou pas" est une solution de facilité. Une expression en kit pour cerveaux en mal de sagacité. Même plus besoin de mode d'emploi, l'expression s'utilise à tout-va.


Après le plus vulgaire et tout aussi inutile "dans ton cul", expression consacrée de 2008, le "ou pas" se répand dangereusement dans toutes les discussions. Stoppons-le avant qu'il ne tue tout bon mot, signe d'un esprit vif et averti, et non l'expression d'un manque d'originalité et de perspicacité.

mardi 14 juillet 2009

Le loto de la Justice

Vingt-six accusés, deux acquittés, une condamnation à perpétuité, voilà le bilan du procès du Gang des Barbares. Mené par Youssouf Fofana (photo), il a été l'instigateur du meurtre jugé antisémite d’Ilan Halimi en 2006. Une décision de justice contestée par la partie civile, mais revue et corrigée par la ministre de la justice, Michelle Alliot-Marie. L’antisémitisme est une nouvelle fois au cœur du procès.

Un verdict jugé insuffisant

Torturé durant trois semaines puis laissé pour mort, Ilan Halimi, jeune de confession juive, est décédé à la suite de ses blessures le 13 février 2006. Soulevant l’indignation de la communauté juive mais plus largement de l’opinion publique, son assassinat a remis sur la table la question de l’antisémitisme dont les manifestations semblent se multiplier depuis quelques années. Ouvert depuis avril 2009, le procès tant attendu a entraîné nombre de polémiques. Au cours de l’audience, l’attitude provocante ou carrément désinvolte du principal accusé a désarmé la famille d’Ilan Halimi, alors que dans le même temps, les parents de Youssof Fofana étaient stigmatisés à chaque sortie publique. C’est au tour du verdict, rendu ce week-end, de soulever des controverses. Les peines requises par la cour d'assises de Paris n’ont pas satisfait les proches de la victime. Youssouf Fofana, tête pensante et chef du "gang des barbares", a été condamné à la peine maximale, la prison à perpétuité avec 22 ans de sûreté. Ayant reconnu avoir porté seul les coups fatals envers Ilan Halimi, il écope de la peine la plus lourde en droit français. Ses deux « lieutenants », complices indispensables aux rouages du gang, Samir Aït Abdelmalek (30 ans) et Jean-Christophe Soumbou (23 ans) sont respectivement condamnés à 15 et 18 ans de réclusion. La jeune fille qui avait servi d'appât, mineure au moment des faits, a été condamnée à neuf ans de prison. Concernant les 24 autres accusés, la cour a prononcé des peines allant de six mois de prison avec sursis jusqu’à 18 ans de réclusion, sans compter les deux acquittements.

Le procès de l’antisémitisme ?

Hier, Maitre Szpiner, avocat de la mère d'Ilan Halimi, en a appelé à un nouveau procès, fustigeant la « bienveillance » du verdict énoncé. Une manifestation était prévue lundi soir pour demander un nouveau jugement. Pour Richard Prasquier, président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives), il paraît clair qu’à partir d'un réquisitoire déjà jugé indulgent, « les sanctions ont été dans l'ensemble minorées ». A cela s’ajoute les motivations antisémites du meurtre, qui aurait été minoré tout au long du procès. Et de continuer « Hormis Fofana, les protagonistes ont assuré qu'ils n'étaient pas antisémites et certains ignorent probablement la signification de ce mot. Mais ils ont intériorisé, et cela revient au même, des stéréotypes féroces contre les Juifs forcément « riches » »(Le Figaro). M. Prasquier en appelle à un nouveau procès, public cette fois-ci, afin que la vérité soit connue de l'opinion publique et montre les rouages de l'antisémitisme latent mais toujours présent en France.

Une décision d'appel controversée

L'appel lancé a été entendu par la ministre de la Justice, qui a réagi dès sa sortie de la réunion des ministres. Face à cette agitation, Michelle Alliot-Marie a pris les devants, sans consultation préalable : « J'ai demandé au procureur général de faire appel des condamnations inférieures aux réquisitions de l'avocat général". Pas de quoi faire tiquer la toute nouvelle ministre. Certains murmurent que les bonnes relations entre les représentants de la communauté juive et l'ancienne ministre de l'intérieur, alors en charge des cultes, expliquent la promptitude de sa réaction. Ce serait pourtant aller trop loin dans des allégations fortuites (au risque d'être taxé d'antisémite), et sous-estimer des explications plus plausibles comme la condamnation des accusés à des peines trop minorées pour être justes.

Pourtant, cette décision d’appel, si elle satisfait la famille d’Ilan Halimi et les représentants de la communauté juive, laisse pantois l’Union Syndicale des Magistrats, qui la juge « inquiétante et dangereuse ». "Si la simple motivation, c'est que les peines prononcées sont inférieures de quelques années à ce qui a été requis, il va falloir faire appel dans les trois quarts des affaires pénales de cour d'assises", remarque Christophe Regnard, président du syndicat. Il se désole alors et fait un constat pour le moins fâcheux : "La politique a repris ses droits sur la justice".


Le procès de la barbarie et de l’antisémitisme n’a donc pas fini de faire couler l’encre. Tant pour ce qu’il représente sur la question du racisme et des préjugés que sur le rôle et l’état de la justice en France.

lundi 13 juillet 2009

Twitter or not twitter ?


Après Msn et Facebook, la révolution Internet a accouché d’un nouveau venu : Twitter. Site de microblogging en vogue, il permet à tout un chacun d’envoyer gratuitement des messages quotidiens, n’excédant pas 140 caractères. Ouvert au public en juillet 2006, le site n’a cessé d’attirer de nouveaux adeptes. De l’anglais "tweets" (signifiant « gazouillis »), de 4 à 5 millions de personnes utiliseraient ce nouveau cyber-joujou. Quels sont les enjeux d'un tel déferlement d'informations et de réactions en chaîne, mis en ligne et repris par les JT du monde et autres médias? Que nous apprend vraiment Twitter sur notre société et ses médias?

Twitter, c’est hype
Ce qui explique son succès, c’est surtout l’interactivité qu’il crée entre ses utilisateurs. Chacun peut y parler de sa vie, de son emploi du temps ou de ses réflexions personnelles. De nombreuses personnalités ont fait le succès de ce site de microblogging. Elles sont de plus en plus nombreuses à se laisser séduire par cet outil de communication novateur et - ô combien - fashion : de Barack Obama à John McCain (tellement heureux d’avoir rencontré Kissinger qu’il s’empresse de le publier sur sa page) en passant par les plus hauts diplomates américains ou même… Ban Ki moon, l’actuel secrétaire des Nations Unies. Même le tout nouveau ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, en redemande : « Apprenez-moi à Twitter » a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse pour l’ouverture des Francofolies.


Quand Twitter se tire dans les pattes
Facebook avait déjà soulevé le problème : la mise en ligne de sa vie peut entraîner des conséquences inattendues. Cambriolage à la suite d’une fête annoncée sur Facebook et autres tracas. Le 13 juillet dernier, le Figaro consacre un article à ce même phénomène, dû cette fois au site Twitter :

"Un Américain, Israel Hyman, avait innocemment annoncé son départ pour un long week-end à ses 2 000 « fans ». Et il s’est fait cambrioler tous les ordinateurs et caméras de sa société de podcast IzzyVideo.com. « Ma femme pense que c’est peut-être le hasard. Moi, j’ai mes doutes, car aucun appareil ménager n’a été volé. C’était très ciblé », déplore-t-il."


Cyber-militants et révolution numérique
Ces désagréments n’empêchent pas de pointer du doigt le rôle positif exercé par le nouveau site à la mode. La récente révolte iranienne en donne un exemple flagrant : alors que la presse – locale et étrangère – est muselée par le pouvoir en place, les sites internet – de Youtube à Twitter – se font le relais des évènements les plus déroutants. La mort de la jeune étudiante Neda Soltani, rapidement devenue en Occident une icône de ce soulèvement populaire, en est l’exemple. Les images de sa mort, prise en directe par des téléphones portables, ont fait le tour des télévisions et des sites de vidéos en ligne. Portables en main, le peuple se fait le porte drapeau d’un nouveau journalisme citoyen.

Le monde en 140 caractères
La concision demandée par la publication de mini articles sur Twitter a donc le mérite d’être percutant, comme un slogan qui saute aux yeux. Certains commentateurs de la vie politique – et journalistique – se félicitent d’un tel débordement de mots, de nouvelles et d’images, arguant que même en 140 caractères, tout peut être dit. Citons seulement l’article de Gideon Rachman paru dans le Financial Times et repris dans le Courrier International de cette semaine : pour lui, les plus grandes pensées, philosophique ou politique, se résument en une seule phrase, évidente. Twitter apparaît donc "comme le média idéal pour la politique et la philosophie". Vraiment ?
Ces évidences incongrues me font irrémédiablement penser à certains théoriciens de la critique des médias. Ces derniers dénoncent allègrement l’emprise de la vie privée, devenue la grille de lecture privilégiée des tribulations de la vie publique. Et ce phénomène est d'autant plus accentué suite à la multiplication d'espaces d'expression personnelle mis à disposition de tout un chacun (blog, Twitter, Facebook, etc.). Habermas retranscrit bien cette ambiguïté de la relation entre espace privé et public, ce sentimentalisme à l’égard des personnes – célèbres ou non - et le cynisme à l’égard des institutions, qui définit bien l’état actuel de la politique.

On ne peut pas non plus passer à côté de l’analyse éclairante d'Herbert Marcuse (1), dont la théorie peut être aisément appliquée à la situation actuelle : les médias immunisent les individus en devenant des vaccins contre la réflexion. Ils ne disent pas comment réfléchir sur un sujet en particulier mais empêchent de réfléchir, comme si le problème était le "virus "de la réflexion dont il faut nous vacciner. Marcuse parle notamment des sigles utilisés à outrance dans les articles mais jamais expliqués, ou encore le recours aux tirets et aux parenthèses, minorant des informations pourtant capitales pour comprendre l'enjeu d'une question. L’abréviation permet par exemple de prévenir toutes les questions non désirées. En bref, les médias nous disent ce à quoi il ne faut pas penser et non ce à quoi il faut penser. Pourquoi ? Si on développait l’acronyme, on serait obligé de se poser des questions sur les termes du sigle. Prenons la question de l’adhésion de la Turquie dans l’OTAN, littéralement, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord… un sigle lourd de signification et d'histoire, anéanti en quatre petites lettres. Plus on raccourcit les phrases, moins on permet au lecteur de comprendre et se poser des questions, l'évidence et la vérité tenant en 140 caractères, maximum, bien évidemment.


Journalisme populaire ou réactions de masse?
Plus largement, c’est la question du journalisme citoyen, réactif et populaire (au sens noble de « peuple ») qui se pose ici. On voit aujourd’hui dans les médias une multiplication d’émissions qui donnent la parole au peuple, dans le souci d’une plus grande démocratie participative : les JT proposent de plus en plus de micros-trottoir, les émissions politiques offrent aux spectateurs la possibilité d’interagir par texto ou internet, etc. Mais quid du recul critique ? Ce débat avait déjà posé problème lors de l'élection de 2002, où les émissions de pseudo débat populaire (dans l'esprit "La parole aux Français") ne laissaient la place à aucune réaction critique de la part de journalistes, absents des plateaux (PPDA n'étant évidemment pas compté dans cette dernière catégorie). La réaction - prise sur le vif - prend alors le pas sur l’opinion, non consensuelle mais réfléchie et contrebalancée. On est alors face à des médias où le flot quotidien de la conversation se déverse et où on n’y voit plus d’opinions, seulement des réactions.


Ces rappels théoriques et ces considérations actuelles ne doivent pas minorer les bénéfices apportés par l’invasion d’informations et de témoignages cruciaux d’une révolte en train de se faire à l’autre bout du monde ou même au coin de sa rue. Néanmoins, il est nécessaire de prendre le recul adéquat, de vérifier les sources et d'adopter un regard critique, aussi dérangeant et peu consensuel qu’il puisse être. Car comme le rappelle une maxime d'Adorno (2) : « se méfier de la société suppose qu’on se méfie aussi de son langage », qu'il tienne en 140 caractères ou non.


(1) Herbert MARCUSE, 1898-1969, philosophe, sociologue américain, membre de l'école de Francfort. Il publie Eros et Civilisation en 1955 puis L'homme unidimensionnel (1964). Ce dernier ouvrage illustre un certain type de critique langagière, largement développé dans les décennies successives. Moins intéressé par les thèmes d'actualité et leur hiérarchie dans les médias, Marcuse pose plutôt la question de la langue et de ses structures, qui empêchent les gens d'accéder à toute forme de critique et de recul.

(2) Theodor W. ADORNO, 1903-1969, philosophe, musicologue et sociologue allemand, appartenant au courant de l'Ecole de Francfort, qui publie avec Horkheimer La Dialectique de la Raison (1947) et développe la notion d'industrie culturelle.

lundi 6 juillet 2009

Orelsan, boudé par les Francofolies


Orelsan, rappeur controversé et haï des féministes pour sa chanson Sale Pute, a finalement été déprogrammé de la sélection musicale des Francofolies, édition 2009. Prévenu au dernier moment, il est se dit "estomaqué" d'une telle décision politique.

Un rappeur à la trappe

Elle l'a niée puis l'a finalement reconnu dans le journal Sud-Ouest : Ségolène Royal a demandé "des clarifications" aux organisateurs des Francofolies. La décision de déprogrammer Orelsan a été communiquée... le 2 juillet, soit une semaine avant le début des festivités. Le nom d'Orelsan figurait déjà sur les affiches et les réservations à la Fnac. Selon les dires des organisateurs, le rappeur n'avait pourtant pas été prévu dans la programmation : "Il était seulement sur une liste d'artistes programmables". Pas de bol, Orelsan aurait reçu un courrier confirmant son passage, le 15 mai dernier.

Game over, again

Lors du Printemps de Bourges, le rappeur originaire de Caen crée le buzz avec sa chanson Sale Pute, attaque virulente contre une petite-amie adultérine. La secrétaire d'Etat à la Solidarité, Valérie Létard, y dénonce une incitation à la violence faite aux femmes. La polémique est lancée. Orelsan s'étonne de ces réactions face à une chanson qui date de deux ans, disponible seulement sur Internet et non sur son album Perdu d'avance. A son corps défendant, il déclare vouloir montrer "comment une pulsion peut transformer quelqu'un en monstre" (cité dans Planet'Rap Mag). Il s'excuse finalement de ces paroles qu'il conçoit comme choquantes et pouvant déranger, tout en nuançant ses propos : « Quoi que j'aie dit, je serai toujours moins violent que les séries sur TF1, où un type se fait cogner au bout de cinq minutes à 20h30 sans raison. » Après plusieurs demandes d'annulation de sa prestation au Printemps, il est finalement maintenu par les organisateurs. La tempête est passée.

Retour de bâton

Mais le retour de bâton ne se fait pas attendre et le polémique reprend de plus belle avec les Francofolies. A l'Express, Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes où se déroule le festival, nie une quelconque implication dans cette annulation. Mais samedi 4 juillet, répondant aux questions du quotidien Sud-Ouest, elle revient sur ses propos et avoue avoir contacté les organisteurs au mois de mars : "En tant que femme et présidente de la région Poitou-Charentes, je n'ai absolument pas envie de sponsoriser sur mon territoire une personne qui vante les violences faites aux femmes. Même si je n'ai pas à me mêler des choix artistiques, j'assume, et je me réjouis qu'il ne chante pas ses paroles de haine et de meurtre aux Francofolies".

"Il n'y a aucune raison d'annuler"

A l'annonce d'une telle décision, inattendue et décevante, le rappeur demeure consterné : « Je suis estomaqué de l'apprendre aussi tardivement. Et dire que je suis encore sur les affiches... J'étais ravi de me produire aux Francos, mais je ne vais pas me laisser faire. Il n'y avait aucune raison d'annuler. Même au plus fort de la polémique, les organisateurs du Printemps de Bourges ne l'avaient pas fait. Je n'envisage pas de venir chanter quand même pour faire de la provocation, mais il faut bien savoir que c'est une équipe d'une dizaine de personnes qui sera privée de travail ce jour-là (…).Quant à ma chanson, je ne pense pas qu'elle ait changé - en bien ou en mal - le nombre de femmes battues en France. Mais, encore une fois, comme les autres, Ségolène Royal n'a jamais dû prendre la peine d'écouter l'album qui est en cause. Il faut désormais que je m'explique avec elle, je vais essayer de la rencontrer. »
Alors que les programmateurs du Printemps de Bourges avaient assumé pleinement leur ligne artistique, jugeant Perdu d'avance comme un album de hip-hop "excellent", ceux des Francofolies n'ont pas tenu la distance. Alors, pression politique ou choix artistique? Pour Gérard Pont, qui dirige le festival, il s'agit surtout d'éviter "les débordements" (au JDD). Avouons-le, il est clair qu'un rappeur surexcité risque d'agiter les foules et de mettre un peu plus d'ambiance que Jane Birkin ou Raphaël... Comme on dit, prudence est mère de sûreté.
Pour écouter Orelsan, cliquez ici.

vendredi 3 juillet 2009

La pomme de discorde


Les habitués du 7/10 de France Inter et fans inconditionnels de la revue de presse commencent à pester : Frédéric Pommier sera démis de son poste à la rentrée. Il n'assurera plus sa chronique impertinente et rafraîchissante, dose de bon humour matinal. Le responsable? Il signe de son V, comme Viré : Philippe Val. La raison ? L'affaire Siné trop relayée par l'accusé. A peine installé dans son nouveau fauteuil à France Inter, l'ancien directeur de Charlie Hebdo fait déjà polémique.

V comme Viré

Ce jeudi 18 juin, sitôt arrivé à la direction de la radio, Philippe Val fait le ménage. Il commence par démettre Frédéric Pommier de la revue de presse. Ses arguments? C'est un travail qui ne convient pas au journaliste, apparemment en proie à un problème de "hiérarchisation de l'info". Et pourtant, c'est ce qui fait toute l'originalité de cette chronique : décalée mais pertinente, elle mêle sujets d'actualité et fait divers, faisant rebondir les thèmes entre eux, leur donnant ainsi une consonnance inédite et souvent humoristique, le tout rythmé par un ton et une voix si particulière.

L'obscur objet du litige

Philippe Val a toutefois assuré que sa décision n'avait rien à voir avec Charlie Hebdo. Il y a quelques mois, alors que Philippe Val est chroniqueur à Inter, il glisse un mot à Frédéric Pommier, lui reprochant de citer plus souvent Siné Hebdo que Charlie. Syndicats et auditeurs ne veulent pourtant pas en rester là. Une pétition circule déjà sur Internet et des groupes se sont constitués sur Facebook pour sauver le soldat Pommier. Pour l'intersyndicale de Radio France, le mot d'ordre est simple. Dans leur tract "Stop!", elle s'exprime clairement : «Notre confrère paye surtout le fait d'avoir cité Siné Hebdo dans la revue de presse. Philippe Val, à l'époque directeur (et actionnaire) de Charlie Hebdo, lui en avait vertement et devant témoins fait le reproche.» «La liberté éditoriale ne se discute pas», poursuit l'intersyndicale qui conclut ainsi : «Les syndicats SNJ, SNJ-FO, SNJ-CGT et SUD demandent solennellement à la direction de France Inter de revenir sur cette décision inacceptable pour toute la rédaction».

Indépendance, j'écris ton nom

Alors que l'indépendance des chaînes de télévision et radio nationales avaient été battues en brèche par les récentes décisions de Nicolas Sarkozy, cette nouvelle affaire se rajoute à une polémique déjà enflée. Plus généralement, l'indépendance des journalistes est souvent remise en question : Alain Duhamel chahuté par Rama Yade (cf. l'article du Figaro) ou moins récemment, ce cadre de TF1 viré pour avoir écrit un mail à sa députée, Mme De Panafieu, afin de dénoncer la loi Hadopi. Dans l'affaire Pommier, l'ironie réside dans la figure incarnée par Philippe Val : ardent défenseur de la liberté d'expression (notamment lors de l'affaire des caricatures de Mahomet, dont un film et un livre ont été tirés, tous les deux de très bonne qualité), l'affaire Siné (du nom du dessinateur démis par Philippe Val, pour ses dessins à tendance antisémites) était venue entacher ce portrait. Tout comme l'affaire Pommier.


Cette affaire est non seulement une mauvaise aubaine pour Philippe Val, fraîchement accueilli dans sa nouvelle maison. Mais ça l'est aussi pour le nouveau directeur de Radio France, Jean-Luc Hees, que l'agitation syndicale met dans l'embarras. D'autres dossiers restent prioritaires et risquent de faire encore du grabuge dans les couloirs de la Maison de la Radio : renégociation de la convention collective et préparation du budget sont autant de sujets délicats qu'il va être difficile d'aborder dans une ambiance électrique.

A lire : Le Blog de Frédéric Pommier, dans le même ton que sa revue de presse mais sur des sujets plus personnels, à ne pas louper!

Pas cap de changer de nom!


Jusqu'au 31 juillet prochain, les habitants de la région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) peuvent proposer sur internet un nouveau nom pour leur... région! Son président en appelle à tous les citoyens pour redéfinir un territoire qui leur ressemble, et construire ensemble l'histoire de cette si belle région. Une initiative populaire... et salutaire?


C'est la crise!

C'est le nouveau cheval de bataille du président PS Michel Vauzelle (photo), en quête de reconnaissance et de légitimité pour la belle du Sud. La région n'échappe pas à la crise ambiante : elle devient moins attractive pour des touristes qui préfèrent des lieux plus tranquilles et surtout moins onéreux. La fréquentation hôtelière est en baisse pour le premier trimestre (de l'ordre de 17,4%) alors que le volume de nuitées étrangères connaît une forte réduction de 32% par rapport à l'an passé.


Finie la région PACA?

Comment appelle-t-on les habitants de la région PACA? Telle est la question à laquelle veut répondre Michel Vauzelle. Tout comme les bretons ou les auvergnats, les habitants de PACA devraient avoir leur nom propre, signe d'une identité particulière. Si certains tentent d'utiliser le néologisme - assez dissonnant - de "pacaïen", d'autres y renoncent. Alors si la dénomination ne change pas, c'est à la région d'évoluer. C'est le parti-pris du président Vauzelle : «Nous avons un nom qui nous handicape profondément, parce que Provence-Alpes Côte d'Azur c'est indicible, justifie-t-il sur France Info. J'ai été accueilli en Algérie en tant que président de Provence-Alpes-Côte d'Ivoire, quand ce n'est pas Provence-Alpes-Côte d'agneau !». Il souligne le handicap que crée ce manque de dénomination propre, qui ne traduit pas l'ancrage réel des habitants pour leur territoire. Le nom "PACA" ne semble pas à la hauteur d'une région si belle et riche. Et Michel Vauzelle d'ajouter : "Provence-Alpes-Côte d'Azur c'est très beau, ça fait rêver, mais c'est beaucoup trop long ! (…) Imaginez mes discours qui commencent par Provençaux-Alpins-Azuréens»".


Du marketing provincial

Il faut en convenir : "PACA" n'est pas vendeur ni esthétique. Au-delà de cette artificialité, le problème est plus profond. Il est bien sûr louable de vouloir mêler les citoyens à ce type de bouleversement étymologique mais cette préoccupation est-elle réellement à mettre à l'agenda politique du moment? Par ailleurs, si la région peine à trouver un nom digne de sa richesse, n'est-ce pas à cause de son hétérogénéité? Qu'ont en commun les Marseillais et les Haut-Alpins? Hormis l'accent - quoique différent en réalité -, peu de points communs lient entre eux les habitants de la région PACA. Une certaine animosité est même parfois perceptible : à l'arrivée des grandes vacances, les "paysans" des montagnes maugréent contre les "marseillais" qui envahissent leur contrée. Le divorce est d'ores et déjà entamé. C'était une gageure de mettre sous la même bannière régionale ces départements si disparates, c'en est une autre de vouloir les unir sous un même nom sans anéantir ni léser une partie des habitants. Il ne reste qu'à souhaiter bonne chance à ceux qui souhaitent y parvenir.

dimanche 17 mai 2009

Claude Allègre, futur ministre ?


La rumeur court : Claude Allègre serait nommé ministre de l’innovation et de l’industrie après les élections européennes du 7 juin prochain. Une nouvelle qui fait grincer des dents dans la majorité et dans le milieu de la recherche.

Ministre à nouveau ?
En 2007, Claude Allègre avait pourtant refusé d’entrer au gouvernement mais aujourd’hui, le principal intéressé ne cracherait pas sur un ‘MITI’, un ministère du commerce international comme il en existe déjà au Japon (JDD du 10 mai). "C'est le genre de chose qui m'intéresse et qui intéresse le président de la République" déclare-t-il. A 72 ans, le scientifique a fait son chemin en politique dans le camp socialiste depuis 1973. Ministre de l’éducation sous Jospin en 1997, il a notamment essuyé un échec face aux manifestations des lycéens et des enseignants, qui le poussent à démissionner en 2000. Opposé à Ségolène Royal lors des dernières présidentielles, Claude Allègre rend finalement sa carte du PS en 2008.

Nouvelle figure de l’ouverture ?
Après le refus de Manuel Valls ou André Vallini, Claude Allègre serait la nouvelle personnalité de gauche débauchée par Nicolas Sarkozy. C’est une façon pour lui de rompre avec « l’Etat RPR » et prendre du terrain sur son aile gauche. Lors d’une réunion de militants le 12 mai à Nancy, le Président a renouvelé l’importance de métisser son gouvernement, pendant que de son côté, François Fillon appelle également à une "amplification de l'ouverture". L’avantage de Claude Allègre, c’est l’adhésion qu’il peut susciter dans l’électorat de droite, à l’inverse d’un personnage comme Jack Lang, clairement identifié au mitterrandisme et à la « gauche caviar ». Pour le député villepiniste Hervé Mariton, "il n'y a pas de gens à droite allergiques à Allègre. L'homme est droito-compatible".

De vives réactions
Même si la rumeur n’est pas officiellement confirmée, elle suscite déjà de vives oppositions. Valérie Pécresse redoute que son ministère de l’Enseignement et de la Recherche ne soit amputé de ses prérogatives princpales. Cela conduirait à lui faire perdre une partie de ses attributions et dénaturer son ministère. Séparer la recherche de l’université serait en effet contraire à la politique qu’elle mène depuis son arrivée au gouvernement. C’est aussi ce que craint le milieu de la recherche.
A Bercy, l’inquiétude pointe aussi : Christine Lagarde ne souhaite pas perdre son secrétariat à l’industrie, nécessaire corrolaire de l’économie, selon l’actuelle ministre.
Enfin, la personnalité même de Claude Allègre ne fait pas l’unanimité. Connu pour sa contestation du réchauffement climatique et des thèses scientifiques largement reconnues aujourd’hui, Claude Allègre serait paradoxalement le porte-drapeau de l’industrie… et de l’innovation! Voilà une affaire qui n'a pas fini de faire couler de l'encre.

Les musées à l'honneur


Lors du week-end du 16 mai, la Nuit des Musées a connu un franc succès. Salué par le ministère de la culture, cette 5ème édition a rassemblé plus de 1,8 millions de visiteurs, soit 300 000 de plus que l’an passé. En Europe, 2 500 musées ont ouvert leurs portes aux visiteurs soit une augmentation de 20%, dont 1 150 en France. Gratuits, les établissements étaient accessibles jusqu’à une heure du matin.

Sous le signe de l’Europe
Créée en 1999 en France, la Nuit des musées s’est étendue au reste de l’Europe depuis 2005. Cette année, pas moins de 42 pays participent à cet évènement culturel. En Pologne, l'Institut de la mémoire nationale (IPN) qui a notamment instruit les crimes nazis et staliniens, a mis à disposition des visiteurs les archives de la police communiste. Dans le nord du pays, à Gdansk, le musée de Solidarité a voulu reconstituer l'atmosphère des grèves ouvrières des années 80, point d’orgue de la naissance du syndicat Solidarnosc durement réprimées par les paramilitaires du ZOMO. Ailleurs en Europe, ce sont 120.000 visiteurs qui ont profité de l’ouverture gratuite des musées à Moscou alors qu’ils étaient 80 000 à Barcelone.

Un succès renouvelé en France
A Paris, ce ne sont pas moins de 140 musées qui ont attiré un grand nombre de parisiens et autres curieux. Les files d’attente étaient longues, preuve que les musées font toujours recette en France. Pour ne citer qu'eux, le musée de l’Armée a comptabilisé 20 000 visiteurs, le musée Rodin et celui de la Monnaie en totalisent 15 000. Quant au musée d’Orsay et celui du Quai Branly, ils en ont attiré 11 000 chacun.

Et aussi en province
La province ne démérite pas. Les musées de Strasbourg ont vu défiler 45 000 visiteurs, 34 000 à Metz alors que le musée des Beaux-arts à Lille a attiré 10 000 visiteurs à lui seul. Dans le reste de la France, le même succès est au rendez-vous. A Arras, plus de 1 000 personnes se sont déplacées pour découvrir gratuitement l'exposition « Bonaparte et l'Égypte », aux Beaux-arts d'Arras.

« Un grand cru » 2009
Pour Christine Albanel, « cette année est un grand cru », signale-t-elle dans un communiqué du ministère de la Culture. C’est le signe que les Français restent attachés à leur patrimoine et à la culture en général. Cette cinquième édition était placée sous le signe du « dialogue entre les arts ». A ce titre, la musique et la danse ont été conviées à la fête des Musées, notamment lors d’expositions temporaires. Selon la ministère, il s’agissait de « poser sur le patrimoine historique un regard neuf », d'une manière « inattendue, surprenante, bouleversante ou drôle ». Une façon aussi de dépoussiérer les musées, souvent peu connus et attractifs et qui peinent à draîner le public, notamment chez les jeunes.


C’est un succès qui vient conforter la récente décision de Nicolas Sarkozy d’instaurer la gratuité des musées et monuments pour les moins de 25 ans. Espérons que cette mesure connaisse le même succès que cette 5ème Nuit.

samedi 21 mars 2009

Statistiques ethniques : le débat est lancé


Alors que les Y'a bon awards ont été remis aux "meilleurs" racistes de l'année (citons seulement Pascal Sevran, Alain Finkielkraut ou encore Yann Rioufol), le commissaire à la Diversité et à l’égalité des chances, Yazid Sabeg (photo), propose la mise en place de statistiques ethniques afin de mesurer la diversité et les discriminations en France. C’est une initiative propice à l’ouverture d'un débat nécessaire mais houleux, dans une France qui sort à peine d’une crise en Guadeloupe où la question raciale est venue renforcer les tensions sociales.

Une proposition polémique
Le nouveau commissaire souhaite proposer rapidement un projet de loi au Parlement visant à rendre « licite la mesure de la diversité ». Cette proposition fait écho aux déclarations de Nicolas Sarkozy en décembre 2008 lors d'une conférence à Palaiseau, où il appelait de ses vœux la création « d’outils statistiques » afin « de mesurer la diversité en France, d’identifier précisément ses retards et mesurer ses progrès ». Pour Yazid Sabeg, ces statistiques ethniques seraient une « photographie » de la France, prise dans toute sa diversité, et permettrait de mesurer l’ampleur et la nature des discriminations afin de mieux les combattre. Pour autant, il ne prévoit pas de classer les personnes interrogées dans des catégories ethno-raciales comme aux Etats-Unis mais de les consulter sur leur sentiment «d’appartenance à une communauté». Les deux priorités du commissaire portent sur l’éducation et l’emploi des jeunes, en rendant par exemple moins discriminant les concours aux grandes écoles et en facilitant l’accès des jeunes au système de formation en alternance. Déjà mises en place aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, l’évocation même de statistiques ethniques fait d’ores et déjà polémique en France, où la question des minorités reste sensible.

Une France divisée
Dans un sondage publié dans Le Parisien dimanche dernier, 55% de Français jugent que la mise en place de statistiques ethniques ne serait pas « efficace » pour lutter contre le racisme et les discriminations. Le président de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) s’oppose à tout découpage de la France en « catégories ethno-raciales », comme il le souligne dans son récent ouvrage Les discriminations en France (Ed. Robert Laffont). Au sein même du gouvernement, certains ministres ne sont pas du même avis. Pour Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la vie, "les statistiques ethniques, la discrimination positive, les quotas, sont une caricature. Notre République ne doit pas devenir une mosaïque de communautés. Plus personne ne doit porter l'étoile jaune". De concert, la secrétaire d’Etat, SOS Racisme et l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) ont renouvelé leur opposition catégorique aux statistiques ethniques lors des Premières assises nationales de lutte contre les Préjugés. Pour la philosophe Elisabeth Badinter, la catégorisation de la population selon des critères raciaux ou communautaires ne serviraient qu’à fragmenter encore plus la France, plutôt qu’à l’unifier. Les statistiques pointeraient du doigt les différences identitaires au sein d’une même population, qui en temps de crise ont déjà tendance à s’exacerber.
Les premières réactions semblent donc vivement hostiles à ce projet. Toutefois, s’inscrivant en faux contre cette tendance, le CRAN soutient le projet du commissaire à la Diversité. D’autres se prononcent à demi-mot, à l'image de Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui se déclare «très hésitant sur cette question».

Une procédure toujours illicite
Déjà en novembre 2007, le Conseil constitutionnel avait censuré l'article de la loi sur l'immigration relatif aux statistiques ethniques : la mesure des origines peut porter sur des « données objectives », mais ne saurait en aucun cas « sans méconnaître l'article 1 de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race ». Proclamée « une et indivisible », la République française n’est pour l’instant pas compatible avec ce genre de statistiques ethno-raciales. A ce dispositif légal, s’ajoute la loi Informatique et libertés de 1978 qui prévoit huit cas (anonymat, consentement exprès), dans lesquels le recueil de données ethniques est autorisé. Toutefois, la collecte de "données sensibles" (sur les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou de l’appartenance syndicale des personnes ou des données relatives à la santé ou la vie sexuelle) reste aujourd'hui fortement encadrée.

La députée George Paul-Langevin, élue parisienne et originaire des Antilles, a co-signé la proposition de loi.

Le 19 février dernier, à l'Assemblée nationale, le groupe SRC (PS, PRG, divers gauche) a proposé une loi visant à "lutter contre les discriminations liées à l'origine, réelle ou supposée". Les députés socialistes se proposaient d'autoriser des études approfondies permettant le recueil de "données sensibles", y compris le "ressenti d'appartenance" à une communauté, pourvu qu'elles soient encadrées de "nombreuses garanties". Elles seraient notamment fondées sur l'anonymat, le volontariat et l'auto-déclaration (la personne se définit elle-même sans cocher de case préalablement inscrite). La loi prévoit aussi une peine d'exclusion des marchés publics pour les entreprises trop discriminantes. Sans susciter de réel débat, ce projet de loi a été rejeté par la majorité qui a préféré émettre des réserves et attendre le compte-rendu de la Commission Sabeg.


A l’heure actuelle, aucun projet de loi gouvernemental n’est donc à l'ordre du jour et nous n’en sommes qu’au stade des propositions. Reste à réfléchir sur la nature concrète et la forme que prendront ces statistiques, afin d’éviter toute dérive et tout risque lié à la création de fichiers personnels des individus. Alors que le nombre d’actes antisémites a grimpé au début de l’année, que les discriminations à l’emploi et au logement persistent, la lutte contre les inégalités devient une priorité sociale. La question n’est donc pas de savoir s’il faut ou non mesurer ces inégalités (car comment lutter contre un ennemi qu’on ne connaît ?), mais de comprendre quel type de statistiques mettre en place, qui ne heurterait aucune sensibilité et ne dériverait pas vers un fichage des individus ou la mise en place de quotas discriminatoires. C'est donc une question qui mérite réflexion avant d'être catégoriquement mise au placard. Il est peu probable que les discriminations disparaissent d'elles-mêmes, surtout si on continue à fermer les yeux sur leur réalité.

samedi 14 mars 2009

Parce que la Belgique ne fait pas que des frites, mais du rock aussi


Le 3 avril prochain, le groupe de rock belge, Ghinzu, sera sur la scène d’Alpexpo à Grenoble. C’est l’occasion de revenir sur la carrière de ce groupe, dont le troisième album, Mirror Mirror, sort le 30 mars. Un opus qui s’annonce à la hauteur des précédents.

Une carrière déjà bien remplie
Originaire de Bruxelles, le groupe se forme en 1999. Le nom du groupe fait référence à la marque de couteau Ginsu dont le slogan est le suivant : "plus on coupe, plus il s'aiguise". Ca annonce la couleur de ce groupe, qui aime flirter avec le vertige et le danger, celui d'un son original qui oscille entre la violence dévastatrice de son rock puissant et la douceur de certains titres au piano et synthé. Leur premier album, Electronic Jacuzzi, sort donc en 2000. Avec des thèmes de prédilection comme la fête, la nuit et l'alcool, Ghinzu offre des titres énergiques et sombres, à l'image du titre éponyme Electronic Jaccuzi. Mélange de rock, de pop et d’électro, Ghinzu produit une musique éclectique et audacieuse qu’on peine à trouver en France. Après une tournée de plus de deux ans, l’album se vend à quelques milliers d’exemplaires dans toute la Belgique. Fort de ce petit succès, leur deuxième album, Blow, paraît en 2004. Moins brouillon que leur premier opus, Blow démontre clairement le talent du groupe, qui assume son univers obscur et sa poésie quasi surréaliste et symbolique mais toujours subtile. Avec des chansons qui vont crescendo, le groupe arrive à nous emporter assez loin dès la première écoute (cf des titres comme Cockpit Inferno ou The Dragster-wave). On se laisse embarquer par les rythmes surprenants et les parties instrumentales des chansons, tout aussi agréables à écouter que les parties chantées de John Stargasm, qui sait jouer de sa voix suave et claire.
C’est donc à l'occasion de cet album réussi que la carrière du groupe commence à décoller et leurs disques à se vendre en France, en Suisse, en Allemagne mais aussi en Scandinavie.

Un accueil chaleureux en France
En France, Ghinzu se fait surtout remarquer avec son single Do you read me ?, (extrait du deuxième album Blow) un titre accrocheur et franchement réussi. Les musiciens multiplient alors les scènes à travers l’hexagone, et se démarquent grâce à leur concert déjanté de dandy-punks. Les ventes d’albums en France atteignent alors les 85 000 exemplaires. Ghinzu participe ensuite à des bandes originales de film, telles que Dikkenek, Les Chevaliers du Ciel, Irina Palm ou plus récemment Taken et Le silence de Lorna des frères Dardenne. Le groupe ne s’arrête pas là et enchaîne les démarches les plus inattendues : Ghinzu vend par exemple les droits publicitaires sur son morceau « 21th century Crooners » à la SNCF dans le spot « SNCF, donner au train des idées d’avance ».


Un groupe à écouter d'urgence
A la fois musique pop et rock (avec des titres comme Take it easy, extrait du prochain album), Ghinzu sait se renouveler et garder son éclectisme musical. Mélangeant rock et électro (High Voltage Queen), leurs compositions sont aussi tout en douceur, avec des mélodies au piano (Sweet Love), des paroles évocatrices et des images plus que poétiques (Jet Sex et Dragster Wave par exemple, deux des meilleures chansons, tout album confondu). Souvent comparé à son aîné, le groupe belge dEUS, Ghinzu a su se faire une place à part sur la scène rock, avec son style éclectique et atypique. Un groupe à découvrir d’urgence, si ce
n’est déjà fait.

Pour écouter les différents albums, cliquez ici.

Pour les deux extraits du prochain album Mirror Mirror, c'est par .

De nouvelles avancées pour le secret bancaire en Europe


A l’occasion du prochain G20 qui doit se tenir à Londres le 2 avril, l’OCDE publiera une
« liste noire » des paradis fiscaux. Une menace qui a poussé certains pays à lever leur secret bancaire, en signe de bonne volonté.

Une avancée européenne…
Après le Luxembourg, l’Autriche, Andorre, la Suisse ou encore le Liechtenstein, c’est au tour de Monaco d’assouplir sa législation dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale. Hier, la principauté s’est dite prête à « accroître sa coopération » en vue d’une levée du secret bancaire. "Considérant les récentes évolutions en matière de fiscalité et de secret bancaire", la principauté de Monaco "ne restera pas à l'écart du mouvement général de transparence conforme aux standards de l'OCDE", souligne un communiqué du Ministère d'Etat, siège du gouvernement monégasque. Quand à la Belgique, son ministre des finances, Didier Reynders, a annoncé une suppression progressive du secret bancaire dès l'an prochain, dans la lignée des autres pays de l'Union européenne.

...Et bientôt mondiale ?
La plupart des pays concernés par le secret bancaire semble donc avancer de concert vers une limitation de cette pratique, dénoncée par l’OCDE à plusieurs reprises. La menace de figurer sur la « liste noire » et de s’exposer à de possibles sanctions les pousse à prendre des mesures significatives. Selon l’OCDE, d’autres pays sont prêts à faire évoluer leur position sur le sujet, notamment Singapour, l’île de Man et les îles Caïman, bien connus pour leur permissivité en matière de secret bancaire.

Une affaire à suivre...
Toutefois, si ces avances sont prometteuses, elles restent limitées. Le Liechtenstein prévoit de mettre en place des accords bilatéraux, pour l’instant, afin d’éviter l’évasion et la fraude fiscale. Quant aux autorités monégasques, elles se bornent pour le moment à communiquer des informations sur les comptes étrangers mais uniquement aux juges des pays concernés - et dans le cadre
d'une commission rogatoire - mais pas aux administrations fiscales. Impulsées par le couple franco-allemand, dont les relations semblent s’être détendues, ces avancées n’en restent pas moins positives pour l’Union Européenne et pour un assainissement des finances mondiales. Affaire à suivre.

Des vacances présidentielles qui font (encore) polémique

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni en compagnie du président mexicain Felipe Calderon, et son épouse, lors de la visite dimanche de la pyramide de Teotihuacan, près de Mexico.


Après le yacht et le jet privé de Vincent Bolloré, l’hôtel de luxe égyptien et la promenade de santé à Petra, Nicolas Sarkozy fait une nouvelle fois polémique cette semaine, à l’occasion de sa courte escapade au Mexique.

Une invitation du président mexicain
Venu au Mexique pour traiter notamment du difficile dossier de Florence Cassez, cette française condamnée par la justice mexicaine dans une affaire de kidnapping, Nicolas Sarkozy rentre en France avec une nouvelle polémique sur les bras. Dans l’opposition mexicaine et les médias français, le séjour du couple présidentiel dans une station balnéaire a fait le plus mauvais effet, surtout dans le contexte de crise actuel. De concert, l’Elysée et le ministère mexicain des affaires étrangères ont assuré que le couple avait été invité par Felipe Calderon, dans un lieu « mis à sa disposition » par des « entrepreneurs mexicains » a déclaré hier un porte-parole mexicain du ministère. Une déclaration qui contredit les premières annonces de l'Elysée et du gouvernement, qui assuraient que les vacances avaient été financées par le Président Calderon.

Un débat polémique au Mexique et en France
Mercredi dernier, RTL a déclaré que cette résidence appartenait au riche homme d’affaires Roberto Hernandez, un proche du président Calderon, ce que viennent confirmer certains opposants de la gauche mexicaine. Robert Hernandez est l'ancien PDG de la quatrième banque du pays, Banamex, filiale de l’Américaine Citigroup. Selon le site Rue 89 qui s'appuie sur un article du journaliste Al Giordano publié dans le Boston Phoenix en 1999, Roberto Hernandez aurait été soupçonné de fare transiter de la cocaïne sud-américaine et de permettre le blanchiment de l'argent de la drogue revendue.
Le socialiste Mario di Constanzo, figure de l'opposition mexicaine, a déclaré sur l'antenne de RTL vouloir saisir les autorités mexicaines sur cette affaire. "Je voudrais savoir pourquoi Roberto Hernandez a prêté sa maison ou l'a louée", a demandé l'opposant mexicain, réclamant au président et son gouvernement qu'ils rendent des comptes. En France, cette affaire rappelle les précédentes polémiques sur le mode de vie d'un président « bling-bling » et de ses relations assumées avec les milieux d’affaire.

Une polémique « gratuite » et « imbécile »
En France, alors que l’opposition reste silencieuse sur le sujet, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, dénonce une « polémique gratuite » dans les médias, soulignant que c'est au Mexique qu'il faut demander des comptes, et non au Président français. Même George Tron, député villepeniste et accessoirement antisarkozyste, juge cette polémique « imbécile ».

Une affaire peu sérieuse
Ce qui pose problème dans cette affaire, c'est qu'elle éclipse du débat politique le réel enjeu de la venue du Président au Mexique : la condamnation par la justice mexicaine de la ressortissante française, Florence Cassez (photo ci-contre), condamnée à 60 ans de prison pour enlèvement et séquestration. Dans un pays où le rapt est un problème récurrent (près de 8 000 par an), l'impunité est demandée à l'encontre de la française, surnommée "la diabolique" par les journaux mexicains. C'est donc une affaire bien plus sérieuse et délicate que de savoir où le Président a passé ses vacances et qui a payé la douloureuse facture.

mardi 3 mars 2009

Quand les jeux vidéos dérapent


Le 5 février dernier, huit députés ont déposé un amendement au projet de loi sur la réforme de l’hôpital. Les parlementaires demandent qu’on introduise « un message à caractère sanitaire » (sous forme de pictogrammes qu’on retrouve dans le système européen PEGI) lorsqu’un jeu vidéo présente « un risque en matière de santé publique en raison de son caractère potentiellement addictif ». C'est une loi controversée pour un problème qui prend de l'ampleur dans nos sociétés accros à la technologie.

L’addiction aux jeux vidéo, un problème de santé publique
Fin 2006, un amendement avait déjà été déposé, qui proposait l’interdiction pure et simple de certains jeux vidéos considérés comme nocifs. Cette idée d’addiction est récente et fait écho à de nombreux problèmes survenus chez des adolescents accros à WOW (World of War Craft qui se joue sur PC), le phénomène de jeu vidéo qui comptabilise déjà 5 millions de fans dans le monde entier. A l’automne 2005, deux jeunes ont été admis en hôpital psychiatrique, l’un d’eux ayant passé trois semaines sans quitter son écran d’ordinateur. En décembre de la même année, un coréen de 38 ans est mort d’épuisement après avoir passé dix jours non stop à jouer en ligne. Jouer trop longtemps aux jeux vidéos entraînerait donc un risque pour la santé mentale des utilisateurs, nécessitant de légiférer sur ce nouveau problème de société.

Un Etat trop paternaliste, des parents trop laxistes ?
Pour certains psychologues comme Yann Leroux, les jeux vidéos ne constituent pas une drogue, comme peuvent l’être l’alcool ou le cannabis. Il n’y aurait pas d’addiction, tout comme il n’y aurait pas de vertus thérapeutiques à faire progresser son cerveau sur sa Nintendo DS, entraînement cérébral du docteur Kawashima ou pas. Le problème vient principalement des limites que les parents ne savent plus imposer à leurs enfants. On peut raisonnablement jouer à des jeux (vidéo ou pas), sans pourtant autant tomber dans l’addiction. Pour certains spécialistes, ce n’est donc pas à l’Etat de faire son travail à la place des parents.
Dans une lettre adressée à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, le Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV) rappelle l’importance de l’industrie du jeu vidéo dans le marché du numérique en France. Un argument économique qui peine à convaincre face à des préoccupations de santé publique. Le syndicat souligne également le caractère thérapeutique que peuvent avoir les jeux vidéos. En soit, c'est un argumentaire bien maigre face aux accusations proférées.

Quid des accros aux jeux?
L’addiction n’existerait pas ? Que fait-on alors de ces milliers de geeks, scotchés à leurs écrans, prisonniers de leur chambre, perdant peu à peu la notion du temps, de l’appétit jusqu’à mettre leur santé en danger, ces jeunes (et moins jeunes) qui n’échangent désormais avec l’extérieur que par ordinateurs interposés, oubliant amis et petites copines, se coupant du monde réel pour se plonger dans un monde fictif, rempli d’orcs, d’elfes et de paladins. Des jeunes en face desquels les parents semblent désemparés : à la fois coupables d'avoir été si permissifs à l'encontre de leur enfant, tout en étant incapables d'aider leurs jeunes à "s'en sortir". On peut reprocher aux parents de ne pas avoir posé certaines limites, mais les constructeurs de jeux vidéos ont aussi leur part de responsabilité. Tout est fait pour que le jeu "online" ne s'arrête jamais, on enchaîne les missions, on découvre toujours de nouvelles fonctions ou personnages. Le jeu vidéo devient alors une histoire sans fin, qui continue même lorsqu'on se déconnecte. C'est pourquoi certains jeunes restent collés à leur écran parfois 20 heures d'affilée, pour ne pas perdre une miette du jeu en train de se faire.

Il me semble donc trop facile d’en vouloir aux hommes politiques de prendre à bras le corps un problème de santé publique et une question de société. Ou d'accabler seulement les parents. Une loi n’est peut-être pas la solution, mais elle ouvre en tout cas la voie à un débat et une reconnaissance de ce vrai problème qu’est l’addiction aux jeux vidéos.

lundi 2 mars 2009

L'enfant sage du rock a encore fait des siennes


Souvenez-vous, il avait fait un tabac en 2000 avec sa chanson incendiaire Jeune et con. Saez revient en force cette année avec un nouvel album... Et un show typiquement saezien lors des dernières Victoires de la Musique. Pour le bonheur de ses fans, et le malheur des autres.

Petit retour en arrière
Au début des années 2000, Saez est la nouvelle égérie de la scène rock française : adulé par des milliers de fans, à la fois poète tourmenté et jeune révolté, il connaît un franc succès auprès de la jeunesse avec son opus Jours Etranges. S’ensuivent deux autres albums, God Blesse en 2002 (de loin sa meilleure création) et Debbie (2004), au succès mitigé. Saez connaît ensuite une longue période d’absence et ne revient que fin 2006 en mettant en ligne sur son site quatre nouveaux titres en anglais. Des rumeurs abondent sur le net sur une potentielle tournée, un album en anglais, puis deux en français. Finalement, le 21 avril 2008, son quatrième album intitulé Paris sort dans les bacs. Mais à son habitude, Saez ne faisant jamais dans la demi-mesure, il nous concocte une édition collector composée du triple album Varsovie – l’Alhambra – Paris.

Le hic dans sa musique
Le chanteur offre à son public une musique plus sophistiquée et des chansons plus mâtures mais qui ont du mal à se détacher les unes des autres. L’album reste très homogène, et la qualité de certaines paroles et musiques n’empêche pas un certain agacement après une écoute trop prolongée de l’album : il faut oser le dire, Saez ne sait vraiment pas chanter. L’enfant sage du rock français peine donc à se renouveler. Ce dernier album a comme un goût de déjà-vu. Ses textes poétiques et dépressifs sont moins audacieux que ceux d’un Brel, sa voix moins agréable et déchirante que celle d’un Bertrand Cantat, sa musique bien moins recherchée et percutante que celle de Noir Désir. Si Saez renoue avec le succès et son public, c'est que le chanteur semble ne pas avoir changé d’un iota : aussi révolté que dépressif, écorché et malentendant (sinon il arrêterait de chanter), apparemment il n’a pas non plus compris qu’on pouvait écrire un morceau de piano en utilisant plus de trois touches. Saez fait donc partie de ces chanteurs qu’il vaut mieux lire qu’écouter.

Un artiste bel et bien rebelle
Ses fans vous répondront que ce qui compte aussi chez Saez, c’est sa révolte, son engouement pour la jeunesse, sa croyance dans l’espoir, le rêve… En omettant de parler de son pessimisme chronique (tout comme sa dépression) et de ses tourments perpétuels : citons seulement des titres comme J’veux m’en aller, J’veux qu’on baise sur ma tombe, Que tout est noir, Quand on perd son amour ou encore Putain vous m’aurez plus. Tout un programme, parfois bien alléchant, Saez sachant jouer avec les mots bien mieux qu'avec sa voix. Quoiqu’il en soit, Saez est un rebelle. A la suite des élections présidentielles de 2002, il met en ligne une chanson anti-lepéniste intitulée Fils de France, un titre agréable et percutant, à écouter voire réécouter. Le 8 décembre 2007, rebelote : Saez met en téléchargement libre une nouvelle chanson, Jeunesse lève-toi, écrite en mars à l'occasion de la campagne présidentielle. Saez a des choses à dire, et il les dit, tant bien que mal.


Une défaite pour la musique
Malgré tout, son triple album obtient un disque d’or en 2009. Saez renoue alors avec le succès, tout en restant loin des caméras et du cercle médiatique. Exception faite de son apparition aux victoires de la musique, où il est nommé dans la catégorie Album Pop-rock. Sa venue a pourtant un arrière-goût de déjà-vu : celle de la cérémonie des victoires en 2001. On retrouve tout : la même dégaine, la même rancœur, la même voix fausse et éraillée. Ne médisons pas : cette année, le jeune révolté (à bientôt 39 ans) innove et nous propose une chanson écrite spécialement pour les victoires. Sans mâcher ses mots et avec une prose habile, il présente un texte poétique et acerbe contre la société de consommation, la crise et ses responsables, politiques ou non. C'est pourtant un beau cadeau dont on se serait bien passé. Après être arrivé nonchalemment sur scène, Saez lit son petit cahier (noir bien sûr) et nous délivre sa dernière composition, sur laquelle il y a peu de choses à redire. La prose de Saez est toujours agréable à écouter quand elle est lue, et non chantée (lisez par exemple son recueil A ton nom). Après ce bref épisode, tout se gâte. Guitare en main, le jeune homme se met à chanter sa composition, fade redite de son titre Jeunesse Lève-toi, qui n’arrive pas à la cheville de Gagnants-Perdants, la dernière chanson de Noir Désir. Entre cris déchirants et fausses notes, on se demande ce que fait cet énergumène sur la scène des Victoires. S'il n'y avait pas une petite bande qui s'inscrivait en bas de l'écran pour nous rappeler que Saez a eu un disque d'or, on aurait déjà zappé sur Les Experts (TF1) sans se poser de questions.
Comme quoi il ne suffit pas de crier fort (et surtout mal) pour être entendu ni pour être rebelle. Il ne suffit pas de mettre bout à bout des mots qui ne veulent rien dire pour être un poète. Tout le monde pourrait le faire. D’ailleurs, n’importe qui le fait, Saez en est souvent la preuve.

samedi 21 février 2009

Bonjour gentillesse


Pour les aficionados du magazine Courrier International, vous avez pu découvrir il y a quelques semaines un dossier spécial sur la gentillesse. C'est l'occasion de réfléchir sur cette notion, remise aujourd'hui en cause, dans une société où l'individualisme et le cynisme règnent en maître. Être gentil, un moyen de lutter contre la crise et la morosité?

La fin du "trop bon, trop con?"
Un prestigieux cancérologue suédois, Stephen Einhorn, fait un tabac (no comment) avec son livre "L'art d'être bon", dont le slogan est aussi simple qu'incongru : "Osez la gentillesse!". Selon son étude, multiplier les gestes de gentillesse (tenir la porte à quelqu'un, laisser sa place à une vieille dame dans le bus, sourire et dire bonjour) rend les gens plus heureux que la moyenne.

Une société individualise et cynique
A bien y regarder, la gentillesse semble avoir déserté le coeur de nos contemporains. Il suffit de regarder les gens dans les bus, les métro, dans la rue. Pas un regard pour son voisin, on ne se rencontre pas, on ne cherche pas à communiquer. Alors que nous sommes dans une société qui recherche la performance et l'efficacité, ce sont nos capacités à se surpasser et à écraser autrui pour avancer qui semblent primer. Blasés et solitaires, les gens se tournent vers le cynisme. Il n'est plus de bon ton d'être gentil. Critiquons, attaquons, parfois même sans raison. Les bons sentiments, les niaiseries en couleur sépia d'Amélie Poulain ne sont que des foutaises. A moi la solitude et l'aigreur, signes par excellence d'un esprit intelligent, pertinent et ô combien moderne. L'homme est un animal solitaire, c'était écrit.

De l'importance d'être gentil
Dans le même temps, la rhétorique de la gentillesse a longtemps été l'apanage de la chrétienté : "tu aimeras ton prochain", tombée en désuétude aujourd'hui. Elle caractérisait aussi l'esprit philantropique de quelque mécène. Mais on a oublié aujourd'hui, que sourire, penser à l'autre, faire un pas vers ceux qu'on aime, cela ne coûte rien. Ok, peut-être le prix d'un ticket de bus pour se rendre chez eux ou encore le prix d'un sms. C'est dérisoire en soi.
Pour Thomas d'Ansembourg, thérapeute en communication non violente, "les gens sont de plus en plus fatigués de vivre dans un monde agressif, ils en ont marre de la course, de la compétition, de toute cette violence qui ne correspond pas à leur nature". Alors sans blague : et si c'était la gentillesse qui nous sauvait de la crise?

Un livre dans l'air du temps


Avec son livre L'ombre du vent, Carlos Ruiz Zafon a gagné le gros lot. 10 millions d'exemplaires vendus dans le monde, 36 traductions publiées pour ce best-seller sorti en 2001. C'est un pavé de plus de 600 pages, qui est un paradoxe vivant. Il combine à la fois un style léger et fluide, ponctué de métaphores poétiques à souhait et lyriques à l'envi. Bref, une écriture qui devient vite lourde et pesante après quelque 200 pages d'ombre, de vent et de pipeau. Serait-ce un roman de gare dans l'air du temps? Presque, et c'est bien dommage.

Une histoire intrigante
L'histoire n'est pourtant pas banale. Elle se déroule dans l'Espagne de la dictature, et les allusions à la guerre civile ou au contexte de terreur ne manquent pas. Le jour de ses 10 ans, un libraire amène son fils Daniel découvrir "Le cimetière des Livres Oubliés". En amateur de littérature, on en frissonne déjà de plaisir. Dans un des rayons poussiéreux de cette immense bibliothèque, le jeune garçon découvre un livre qui semble l'attirer irrémédiablement : "L'Ombre du Vent" de Julian Carax. Commence alors pour le jeune homme une course effrenée, à la recherche de ce mystérieux écrivain que personne ne connaît. Au fil de son investigation, il rencontre des personnages hauts en couleur : Fermin le clochard, ancien républicain et espion aguerri; la mystérieuse Clara qui va lui briser le coeur; la belle Bea dont il tombe amoureux et bien sûr le sordide inspecteur Fumero, qui ne va cesser de le poursuivre.

Un livre presque parfait
En croisant une narration habile et de nombreuses métaphores (peut-être trop), Carlos Ruiz Zafón nous donne à lire un livre intense (malgré ses 600 pages) avec un récit riche en actions et en retournements. Avec un ton presque lyrique et poétique (sûrement trop), l'auteur nous révèle son amour de la grande littérature. L'Ombre du Vent tombe alors dans une caricature romantique, au point de céder le pas au côté historique de l'oeuvre, qui aurait pu être mieux exploité. Malgré tout, grâce à sa prose fluide et agréable, le livre se lit d'un trait et l'histoire prend vie progressivement, graduant l'angoisse et suscitant notre curiosité. Les 600 pages nous permettent alors de nous plonger dans la vie des personnages et de s'attacher à eux, même s'ils manquent parfois de nuances et d'envergure.


Mêlant amour, humour et mystère, Zafon nous offre donc un récit presque haletant et pourtant prévisible, à la prose facile et légère. De ce livre, on retiendra surtout un bel hymne à la littérature, à l'amour des livres, ces objets magiques qui nous transportent et nous transforment. Bref, c'est un livre d'ombres et de vent, qui aurait dû nous laisser un peu plus d'air.

Tout ce que vous n'avez jamais osé penser sur le sexe...


A la poubelle les manuels d'éducation sexuelle où on nous apprend comment mettre un préservatif ou comment faire jouir sa copine/copain en 20 minutes chrono et dans toutes les positions possibles et inimaginables. Vous voulez vraiment lui faire plaisir? Offrez-lui l'Antimanuel d'éducation sexuelle de Marcela Iacub et Patrice Maniglier. Promis, c'est satisfait, ou remboursé.


Un livre sexuellement incorrect
Voilà un livre à mettre dans toutes les mains, un livre à lire et relire, de 7 à 77 ans et même avant! Exit les textes et les extraits (toujours bien choisis), le livre est ponctué de nombreuses illustrations, aussi cocasses que pertinentes, collant bien au propos du texte.
Mais de quoi parle ce livre? De sexe? Certes. D'éducation au sexe ? Oui mais le sexe est ici envisagé comme un objet d'étude polémique et non comme une compétition sportive. L'Antimanuel va à contre-courant de tout ce qu'on apprend sur le sexe depuis les années 70. Oubliez ce que vous savez sur le sexe, depuis qu'on vous l'enseigne au collège, ce que vous avez vu dans les films porno ou entendu dire dans la cour de votre lycée.


Sea, sex and... prison!
Avec les années 70 et la pseudo révolution sexuelle, on a vu les moeurs changer, le tout sexuel remplaçant la rigité d'une éducation familiale et sociale stricte. Il est vrai que les films porno pululent sur les chaînes télé et dans les locations de vidéos, les jeunes filles s'habillent comme des lolitas (sinon comme des prostituées), suivant l'exemple de leurs aînées, qui pavanent à demi-nues dans des émissions télé et des clips quasi-pornographiques.

Alors quoi? En même temps que la société du tout-sexuel se développe, le système judiciaire prend le sens inverse. Les crimes sexuels n'ont jamais été aussi réprimés. Chiffres à l'appui, les auteurs nous apprennent que les viols sont parfois plus lourdement condamnés que les meurtres! En filigrane, les auteurs profilent une critique d'un Etat de droit qui se délite et ne respecte pas ses engagements vis-à-vis des citoyens.


On vous a menti : la libération sexuelle n'a pas eu lieu!
Quid de la révolution sexuelle et ses promesses? Aux oubliettes! Vous n'êtes pas libres de vivre votre sexualité. Sans peur ni reproche, les auteurs n'hésitent pas à parler d'un retour de la morale dans le domaine sexuel et d'une immixtion croissante de l'Etat dans les affaires privées. C'est l'Etat qui décide pour vous de ce qui est bon sexuellement, et de ce qui ne l'est pas en créant un modèle judiciaire ultra-répressif et soit disant préventif.

Pour la dépénalisation du sexe
Ce que préconisent les auteurs, c'est une sexualité vraiment libérée, et libre d'être définie par ceux qui la pratiquent. Ils en viennent à imaginer une société postsexuelle (dénommée "Postsexopolis", l'étymologie du mot étant significative), où chacun aura le droit à une assurance sexuelle avec une prostituée qui viendrait à domicile vous prodiguer ses services (ce qui existe déjà aux Pays-Bas) pour donner à chacun une égalité sexuelle. Une société où le sexe-roi laisse place au sexe libre. L'Etat en voulant définir et circonscrire le sexe, l'a rendu criminel et négatif. Dans cette société nouvelle pensée par les auteurs, le sexe serait un plaisir comme un autre (une prostituée au même titre qu'une masseuse vous prodigue un service que vous payez à sa juste valeur), une activité et un droit comme un autre.


Avec un style simple, une écriture claire au service de propos pertinents et novateurs (notamment sur la question de la prostitution, de la justice pénale et la notion de consentement, sur la parentalité et l'homosexualité aujourd'hui), ce livre offre un point de vue nouveau sur le sexe et ses dérives. En bref, c'est un livre... jouissif.

Quelques extraits :

« Si donc il s’avérait que la punition des criminels sexuels était disproportionnée, cela voudrait dire que sur la question sexuelle, loin d’être devenue « moderne », notre société effectuerait un retour aux âges les plus archaïques et les plus sombres de son histoire, les règles de l’Etat de droit n’étant pas respectées. »

« Il y a une dissymétrie entre la protection de votre droit à dire non et celle de votre droit à dire oui [qui] signifie que, malgré toutes les « libertés » que vous a données la « révolution des mœurs », vous n’avez pas en vérité de droit sexuel. Ou, si vous préférez, que la liberté sexuelle ne fait pas partie des choses que l’Etat vous reconnaît. »

« Il y a une bonne sexualité, et une mauvaise : la bonne est celle qui unit derrière des portes hermétiquement closes un homme et une femme, dont les corps se rejoignent sans artefact et si possible dans le silence et l’effroi devant cette chose si merveilleuse et secrète qu’est l’éternel coït ; la mauvaise, c’est tout le reste. Voilà la sexualité idéale de ce monde qui se vante d’avoir abandonné toute idée absolue des « bonnes mœurs » ».

« Si la prostitution n’est pas reconnue comme métier, ce n’est donc pas parce qu’elle contredit la morale sexuelle consensualiste, c’est même l’inverse : c’est que la prostituée vient paradoxalement pousser les règles du consensualisme à la dernière limite et que, précisément, on a du mal à admettre que le sexe puisse faire l’objet de quelque chose d’aussi froid qu’un accord commercial. On reproche à la relation prostitutionnelle d’être trop consentie, on trouve que le consentement que l’on y donne est « trop éclairé ». Bizarrement, on préfère présenter la personne éperdue d’amour comme le paradigme du consentement libre à un acte sexuel… »



jeudi 19 février 2009

Le grand oral du médiateur

Ca s’est passé hier à Gap (05). Chargé de mission pour la réforme du lycée et accessoirement directeur de Science Po Paris, Richard Descoings s’est rendu au lycée Aristide Briand dans la (grande) capitale des Hautes-Alpes. Quelque peu chahuté par des lycéens acerbes, il ne s'est pas débiné pour autant.


Un tour de France des lycées
Entamant sa tournée de 100 lycées à travers le France, le dirlo a fait étape dans les Hautes Alpes pour écouter les revendications des lycéens gapençais. Arrivé 1h15 en retard et sans un mot d’excuse, le médiateur s’est fait chahuter, certains élèves refusant de lui serrer la main. Parents d’élèves, professeurs et lycéens se sont retrouvés pour débattre (enfin) de la réforme des lycées. Confrontant espoirs et angoisses, cette réunion a pour but de réparer les erreurs de Xavier Darcos sur la réforme du lycée.

Un oral réussi pour le directeur ?
Pris en grippe par certains lycéens, mécontents de l’attitude des politiques face à la question lycéenne, Richard Descoings s’évertue à montrer « sa capacité à écouter ». Dans la salle polyvalente où s’est déroulée la réunion, on avait même mis en place un dispositif interactif. Les intervenants pouvaient envoyer un SMS à un numéro, le contenu du message passant sur écran géant. Se faire entendre aurait donc un prix.
Soit, on ne peut que féliciter l’initiative gouvernementale qui vise une plus grande écoute mais quid de la capacité à comprendre et prendre en compte ? Espérons qu’après son petit tour de France, le médiateur ne répètera pas le piètre exemple du président de la République.

Le prix de l'agonie


Le 17 février dernier, les députés ont adopté à l’unanimité un projet de loi créant une allocation d’accompagnement de fin de vie. Déjà appliquée au Canada et en Belgique, cette mesure fait son entrée dans la législation française, non sans fracas.

Une étape vers une mort plus digne
Ce texte reprend une idée lancée par le projet Leonetti sur les droits des malades et la fin de vie, dont le rapport a été remis en décembre à François Fillon. Pendant maximum 3 semaines, une allocation sera versée à un proche qui souhaite accompagner « à domicile une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause ». Le montant de cette indemnisation est fixé à 49 euros et elle devrait concerner 20 000 personnes par an, soit un coût total de 20 millions d’euros, supporté entièrement par l’Etat. Les quatre députés à l’origine de cette loi précisent toutefois que ce coût sera en partie compensé par la limitation des arrêts de travail, auxquels les salariés ont souvent recours dans ce genre d’occasions. Alors qu’actuellement, un patient sur cinq meurt seul à l’hôpital, ce texte s’impose comme une avancée vers la reconnaissance d’un droit à mourir dans la dignité.

Une fausse bonne idée ?

Malgré son adoption à l’unanimité par l’Assemblée Nationale, cette loi fait d’ores et déjà débat. Président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, Jean-Luc Romero reste incrédule face à cette loi. Il affirme que cette mesure vise avant tout à faire des coupes claires dans le budget du gouvernement, en préférant garder les patients à domicile tout en évitant le recours aux arrêts-maladie. Il souligne également qu’il est « ridicule » d’accorder seulement trois semaines à un proche pour accompagner un malade en fin de vie. Comment sait-on qu'un un malade va mourir? Parfois l’agonie se prolonge, sans qu’on puisse prévoir exactement quand mourra le patient. La mort ne se programme pas. Face à la complexité de cette situation, la Belgique propose par exemple une durée d'accompagnement d’un mois renouvelable. Face à ces critiques, un député UMP explique que la loi sera réévaluée dans un an. D’ici-là, les 230 000 patients atteints de maladie de longue durée devront se contenter de l’application de cette mesure, encore imparfaite aux yeux de nombreux acteurs de la santé.


Si la vie n’a pas de prix, la marche vers la mort n’en a pas non plus. Elle ne se calcule pas, ni en jours ni en euros. Le gouvernement français a effectivement franchi une étape dans l’accompagnement de fin de vie, mais il lui en reste bien d'autres à surmonter pour offrir aux malades une mort dans la dignité, et non dans la solitude.