samedi 21 mars 2009

Statistiques ethniques : le débat est lancé


Alors que les Y'a bon awards ont été remis aux "meilleurs" racistes de l'année (citons seulement Pascal Sevran, Alain Finkielkraut ou encore Yann Rioufol), le commissaire à la Diversité et à l’égalité des chances, Yazid Sabeg (photo), propose la mise en place de statistiques ethniques afin de mesurer la diversité et les discriminations en France. C’est une initiative propice à l’ouverture d'un débat nécessaire mais houleux, dans une France qui sort à peine d’une crise en Guadeloupe où la question raciale est venue renforcer les tensions sociales.

Une proposition polémique
Le nouveau commissaire souhaite proposer rapidement un projet de loi au Parlement visant à rendre « licite la mesure de la diversité ». Cette proposition fait écho aux déclarations de Nicolas Sarkozy en décembre 2008 lors d'une conférence à Palaiseau, où il appelait de ses vœux la création « d’outils statistiques » afin « de mesurer la diversité en France, d’identifier précisément ses retards et mesurer ses progrès ». Pour Yazid Sabeg, ces statistiques ethniques seraient une « photographie » de la France, prise dans toute sa diversité, et permettrait de mesurer l’ampleur et la nature des discriminations afin de mieux les combattre. Pour autant, il ne prévoit pas de classer les personnes interrogées dans des catégories ethno-raciales comme aux Etats-Unis mais de les consulter sur leur sentiment «d’appartenance à une communauté». Les deux priorités du commissaire portent sur l’éducation et l’emploi des jeunes, en rendant par exemple moins discriminant les concours aux grandes écoles et en facilitant l’accès des jeunes au système de formation en alternance. Déjà mises en place aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, l’évocation même de statistiques ethniques fait d’ores et déjà polémique en France, où la question des minorités reste sensible.

Une France divisée
Dans un sondage publié dans Le Parisien dimanche dernier, 55% de Français jugent que la mise en place de statistiques ethniques ne serait pas « efficace » pour lutter contre le racisme et les discriminations. Le président de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) s’oppose à tout découpage de la France en « catégories ethno-raciales », comme il le souligne dans son récent ouvrage Les discriminations en France (Ed. Robert Laffont). Au sein même du gouvernement, certains ministres ne sont pas du même avis. Pour Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la vie, "les statistiques ethniques, la discrimination positive, les quotas, sont une caricature. Notre République ne doit pas devenir une mosaïque de communautés. Plus personne ne doit porter l'étoile jaune". De concert, la secrétaire d’Etat, SOS Racisme et l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) ont renouvelé leur opposition catégorique aux statistiques ethniques lors des Premières assises nationales de lutte contre les Préjugés. Pour la philosophe Elisabeth Badinter, la catégorisation de la population selon des critères raciaux ou communautaires ne serviraient qu’à fragmenter encore plus la France, plutôt qu’à l’unifier. Les statistiques pointeraient du doigt les différences identitaires au sein d’une même population, qui en temps de crise ont déjà tendance à s’exacerber.
Les premières réactions semblent donc vivement hostiles à ce projet. Toutefois, s’inscrivant en faux contre cette tendance, le CRAN soutient le projet du commissaire à la Diversité. D’autres se prononcent à demi-mot, à l'image de Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui se déclare «très hésitant sur cette question».

Une procédure toujours illicite
Déjà en novembre 2007, le Conseil constitutionnel avait censuré l'article de la loi sur l'immigration relatif aux statistiques ethniques : la mesure des origines peut porter sur des « données objectives », mais ne saurait en aucun cas « sans méconnaître l'article 1 de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race ». Proclamée « une et indivisible », la République française n’est pour l’instant pas compatible avec ce genre de statistiques ethno-raciales. A ce dispositif légal, s’ajoute la loi Informatique et libertés de 1978 qui prévoit huit cas (anonymat, consentement exprès), dans lesquels le recueil de données ethniques est autorisé. Toutefois, la collecte de "données sensibles" (sur les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou de l’appartenance syndicale des personnes ou des données relatives à la santé ou la vie sexuelle) reste aujourd'hui fortement encadrée.

La députée George Paul-Langevin, élue parisienne et originaire des Antilles, a co-signé la proposition de loi.

Le 19 février dernier, à l'Assemblée nationale, le groupe SRC (PS, PRG, divers gauche) a proposé une loi visant à "lutter contre les discriminations liées à l'origine, réelle ou supposée". Les députés socialistes se proposaient d'autoriser des études approfondies permettant le recueil de "données sensibles", y compris le "ressenti d'appartenance" à une communauté, pourvu qu'elles soient encadrées de "nombreuses garanties". Elles seraient notamment fondées sur l'anonymat, le volontariat et l'auto-déclaration (la personne se définit elle-même sans cocher de case préalablement inscrite). La loi prévoit aussi une peine d'exclusion des marchés publics pour les entreprises trop discriminantes. Sans susciter de réel débat, ce projet de loi a été rejeté par la majorité qui a préféré émettre des réserves et attendre le compte-rendu de la Commission Sabeg.


A l’heure actuelle, aucun projet de loi gouvernemental n’est donc à l'ordre du jour et nous n’en sommes qu’au stade des propositions. Reste à réfléchir sur la nature concrète et la forme que prendront ces statistiques, afin d’éviter toute dérive et tout risque lié à la création de fichiers personnels des individus. Alors que le nombre d’actes antisémites a grimpé au début de l’année, que les discriminations à l’emploi et au logement persistent, la lutte contre les inégalités devient une priorité sociale. La question n’est donc pas de savoir s’il faut ou non mesurer ces inégalités (car comment lutter contre un ennemi qu’on ne connaît ?), mais de comprendre quel type de statistiques mettre en place, qui ne heurterait aucune sensibilité et ne dériverait pas vers un fichage des individus ou la mise en place de quotas discriminatoires. C'est donc une question qui mérite réflexion avant d'être catégoriquement mise au placard. Il est peu probable que les discriminations disparaissent d'elles-mêmes, surtout si on continue à fermer les yeux sur leur réalité.

samedi 14 mars 2009

Parce que la Belgique ne fait pas que des frites, mais du rock aussi


Le 3 avril prochain, le groupe de rock belge, Ghinzu, sera sur la scène d’Alpexpo à Grenoble. C’est l’occasion de revenir sur la carrière de ce groupe, dont le troisième album, Mirror Mirror, sort le 30 mars. Un opus qui s’annonce à la hauteur des précédents.

Une carrière déjà bien remplie
Originaire de Bruxelles, le groupe se forme en 1999. Le nom du groupe fait référence à la marque de couteau Ginsu dont le slogan est le suivant : "plus on coupe, plus il s'aiguise". Ca annonce la couleur de ce groupe, qui aime flirter avec le vertige et le danger, celui d'un son original qui oscille entre la violence dévastatrice de son rock puissant et la douceur de certains titres au piano et synthé. Leur premier album, Electronic Jacuzzi, sort donc en 2000. Avec des thèmes de prédilection comme la fête, la nuit et l'alcool, Ghinzu offre des titres énergiques et sombres, à l'image du titre éponyme Electronic Jaccuzi. Mélange de rock, de pop et d’électro, Ghinzu produit une musique éclectique et audacieuse qu’on peine à trouver en France. Après une tournée de plus de deux ans, l’album se vend à quelques milliers d’exemplaires dans toute la Belgique. Fort de ce petit succès, leur deuxième album, Blow, paraît en 2004. Moins brouillon que leur premier opus, Blow démontre clairement le talent du groupe, qui assume son univers obscur et sa poésie quasi surréaliste et symbolique mais toujours subtile. Avec des chansons qui vont crescendo, le groupe arrive à nous emporter assez loin dès la première écoute (cf des titres comme Cockpit Inferno ou The Dragster-wave). On se laisse embarquer par les rythmes surprenants et les parties instrumentales des chansons, tout aussi agréables à écouter que les parties chantées de John Stargasm, qui sait jouer de sa voix suave et claire.
C’est donc à l'occasion de cet album réussi que la carrière du groupe commence à décoller et leurs disques à se vendre en France, en Suisse, en Allemagne mais aussi en Scandinavie.

Un accueil chaleureux en France
En France, Ghinzu se fait surtout remarquer avec son single Do you read me ?, (extrait du deuxième album Blow) un titre accrocheur et franchement réussi. Les musiciens multiplient alors les scènes à travers l’hexagone, et se démarquent grâce à leur concert déjanté de dandy-punks. Les ventes d’albums en France atteignent alors les 85 000 exemplaires. Ghinzu participe ensuite à des bandes originales de film, telles que Dikkenek, Les Chevaliers du Ciel, Irina Palm ou plus récemment Taken et Le silence de Lorna des frères Dardenne. Le groupe ne s’arrête pas là et enchaîne les démarches les plus inattendues : Ghinzu vend par exemple les droits publicitaires sur son morceau « 21th century Crooners » à la SNCF dans le spot « SNCF, donner au train des idées d’avance ».


Un groupe à écouter d'urgence
A la fois musique pop et rock (avec des titres comme Take it easy, extrait du prochain album), Ghinzu sait se renouveler et garder son éclectisme musical. Mélangeant rock et électro (High Voltage Queen), leurs compositions sont aussi tout en douceur, avec des mélodies au piano (Sweet Love), des paroles évocatrices et des images plus que poétiques (Jet Sex et Dragster Wave par exemple, deux des meilleures chansons, tout album confondu). Souvent comparé à son aîné, le groupe belge dEUS, Ghinzu a su se faire une place à part sur la scène rock, avec son style éclectique et atypique. Un groupe à découvrir d’urgence, si ce
n’est déjà fait.

Pour écouter les différents albums, cliquez ici.

Pour les deux extraits du prochain album Mirror Mirror, c'est par .

De nouvelles avancées pour le secret bancaire en Europe


A l’occasion du prochain G20 qui doit se tenir à Londres le 2 avril, l’OCDE publiera une
« liste noire » des paradis fiscaux. Une menace qui a poussé certains pays à lever leur secret bancaire, en signe de bonne volonté.

Une avancée européenne…
Après le Luxembourg, l’Autriche, Andorre, la Suisse ou encore le Liechtenstein, c’est au tour de Monaco d’assouplir sa législation dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale. Hier, la principauté s’est dite prête à « accroître sa coopération » en vue d’une levée du secret bancaire. "Considérant les récentes évolutions en matière de fiscalité et de secret bancaire", la principauté de Monaco "ne restera pas à l'écart du mouvement général de transparence conforme aux standards de l'OCDE", souligne un communiqué du Ministère d'Etat, siège du gouvernement monégasque. Quand à la Belgique, son ministre des finances, Didier Reynders, a annoncé une suppression progressive du secret bancaire dès l'an prochain, dans la lignée des autres pays de l'Union européenne.

...Et bientôt mondiale ?
La plupart des pays concernés par le secret bancaire semble donc avancer de concert vers une limitation de cette pratique, dénoncée par l’OCDE à plusieurs reprises. La menace de figurer sur la « liste noire » et de s’exposer à de possibles sanctions les pousse à prendre des mesures significatives. Selon l’OCDE, d’autres pays sont prêts à faire évoluer leur position sur le sujet, notamment Singapour, l’île de Man et les îles Caïman, bien connus pour leur permissivité en matière de secret bancaire.

Une affaire à suivre...
Toutefois, si ces avances sont prometteuses, elles restent limitées. Le Liechtenstein prévoit de mettre en place des accords bilatéraux, pour l’instant, afin d’éviter l’évasion et la fraude fiscale. Quant aux autorités monégasques, elles se bornent pour le moment à communiquer des informations sur les comptes étrangers mais uniquement aux juges des pays concernés - et dans le cadre
d'une commission rogatoire - mais pas aux administrations fiscales. Impulsées par le couple franco-allemand, dont les relations semblent s’être détendues, ces avancées n’en restent pas moins positives pour l’Union Européenne et pour un assainissement des finances mondiales. Affaire à suivre.

Des vacances présidentielles qui font (encore) polémique

Nicolas Sarkozy et Carla Bruni en compagnie du président mexicain Felipe Calderon, et son épouse, lors de la visite dimanche de la pyramide de Teotihuacan, près de Mexico.


Après le yacht et le jet privé de Vincent Bolloré, l’hôtel de luxe égyptien et la promenade de santé à Petra, Nicolas Sarkozy fait une nouvelle fois polémique cette semaine, à l’occasion de sa courte escapade au Mexique.

Une invitation du président mexicain
Venu au Mexique pour traiter notamment du difficile dossier de Florence Cassez, cette française condamnée par la justice mexicaine dans une affaire de kidnapping, Nicolas Sarkozy rentre en France avec une nouvelle polémique sur les bras. Dans l’opposition mexicaine et les médias français, le séjour du couple présidentiel dans une station balnéaire a fait le plus mauvais effet, surtout dans le contexte de crise actuel. De concert, l’Elysée et le ministère mexicain des affaires étrangères ont assuré que le couple avait été invité par Felipe Calderon, dans un lieu « mis à sa disposition » par des « entrepreneurs mexicains » a déclaré hier un porte-parole mexicain du ministère. Une déclaration qui contredit les premières annonces de l'Elysée et du gouvernement, qui assuraient que les vacances avaient été financées par le Président Calderon.

Un débat polémique au Mexique et en France
Mercredi dernier, RTL a déclaré que cette résidence appartenait au riche homme d’affaires Roberto Hernandez, un proche du président Calderon, ce que viennent confirmer certains opposants de la gauche mexicaine. Robert Hernandez est l'ancien PDG de la quatrième banque du pays, Banamex, filiale de l’Américaine Citigroup. Selon le site Rue 89 qui s'appuie sur un article du journaliste Al Giordano publié dans le Boston Phoenix en 1999, Roberto Hernandez aurait été soupçonné de fare transiter de la cocaïne sud-américaine et de permettre le blanchiment de l'argent de la drogue revendue.
Le socialiste Mario di Constanzo, figure de l'opposition mexicaine, a déclaré sur l'antenne de RTL vouloir saisir les autorités mexicaines sur cette affaire. "Je voudrais savoir pourquoi Roberto Hernandez a prêté sa maison ou l'a louée", a demandé l'opposant mexicain, réclamant au président et son gouvernement qu'ils rendent des comptes. En France, cette affaire rappelle les précédentes polémiques sur le mode de vie d'un président « bling-bling » et de ses relations assumées avec les milieux d’affaire.

Une polémique « gratuite » et « imbécile »
En France, alors que l’opposition reste silencieuse sur le sujet, Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, dénonce une « polémique gratuite » dans les médias, soulignant que c'est au Mexique qu'il faut demander des comptes, et non au Président français. Même George Tron, député villepeniste et accessoirement antisarkozyste, juge cette polémique « imbécile ».

Une affaire peu sérieuse
Ce qui pose problème dans cette affaire, c'est qu'elle éclipse du débat politique le réel enjeu de la venue du Président au Mexique : la condamnation par la justice mexicaine de la ressortissante française, Florence Cassez (photo ci-contre), condamnée à 60 ans de prison pour enlèvement et séquestration. Dans un pays où le rapt est un problème récurrent (près de 8 000 par an), l'impunité est demandée à l'encontre de la française, surnommée "la diabolique" par les journaux mexicains. C'est donc une affaire bien plus sérieuse et délicate que de savoir où le Président a passé ses vacances et qui a payé la douloureuse facture.

mardi 3 mars 2009

Quand les jeux vidéos dérapent


Le 5 février dernier, huit députés ont déposé un amendement au projet de loi sur la réforme de l’hôpital. Les parlementaires demandent qu’on introduise « un message à caractère sanitaire » (sous forme de pictogrammes qu’on retrouve dans le système européen PEGI) lorsqu’un jeu vidéo présente « un risque en matière de santé publique en raison de son caractère potentiellement addictif ». C'est une loi controversée pour un problème qui prend de l'ampleur dans nos sociétés accros à la technologie.

L’addiction aux jeux vidéo, un problème de santé publique
Fin 2006, un amendement avait déjà été déposé, qui proposait l’interdiction pure et simple de certains jeux vidéos considérés comme nocifs. Cette idée d’addiction est récente et fait écho à de nombreux problèmes survenus chez des adolescents accros à WOW (World of War Craft qui se joue sur PC), le phénomène de jeu vidéo qui comptabilise déjà 5 millions de fans dans le monde entier. A l’automne 2005, deux jeunes ont été admis en hôpital psychiatrique, l’un d’eux ayant passé trois semaines sans quitter son écran d’ordinateur. En décembre de la même année, un coréen de 38 ans est mort d’épuisement après avoir passé dix jours non stop à jouer en ligne. Jouer trop longtemps aux jeux vidéos entraînerait donc un risque pour la santé mentale des utilisateurs, nécessitant de légiférer sur ce nouveau problème de société.

Un Etat trop paternaliste, des parents trop laxistes ?
Pour certains psychologues comme Yann Leroux, les jeux vidéos ne constituent pas une drogue, comme peuvent l’être l’alcool ou le cannabis. Il n’y aurait pas d’addiction, tout comme il n’y aurait pas de vertus thérapeutiques à faire progresser son cerveau sur sa Nintendo DS, entraînement cérébral du docteur Kawashima ou pas. Le problème vient principalement des limites que les parents ne savent plus imposer à leurs enfants. On peut raisonnablement jouer à des jeux (vidéo ou pas), sans pourtant autant tomber dans l’addiction. Pour certains spécialistes, ce n’est donc pas à l’Etat de faire son travail à la place des parents.
Dans une lettre adressée à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, le Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV) rappelle l’importance de l’industrie du jeu vidéo dans le marché du numérique en France. Un argument économique qui peine à convaincre face à des préoccupations de santé publique. Le syndicat souligne également le caractère thérapeutique que peuvent avoir les jeux vidéos. En soit, c'est un argumentaire bien maigre face aux accusations proférées.

Quid des accros aux jeux?
L’addiction n’existerait pas ? Que fait-on alors de ces milliers de geeks, scotchés à leurs écrans, prisonniers de leur chambre, perdant peu à peu la notion du temps, de l’appétit jusqu’à mettre leur santé en danger, ces jeunes (et moins jeunes) qui n’échangent désormais avec l’extérieur que par ordinateurs interposés, oubliant amis et petites copines, se coupant du monde réel pour se plonger dans un monde fictif, rempli d’orcs, d’elfes et de paladins. Des jeunes en face desquels les parents semblent désemparés : à la fois coupables d'avoir été si permissifs à l'encontre de leur enfant, tout en étant incapables d'aider leurs jeunes à "s'en sortir". On peut reprocher aux parents de ne pas avoir posé certaines limites, mais les constructeurs de jeux vidéos ont aussi leur part de responsabilité. Tout est fait pour que le jeu "online" ne s'arrête jamais, on enchaîne les missions, on découvre toujours de nouvelles fonctions ou personnages. Le jeu vidéo devient alors une histoire sans fin, qui continue même lorsqu'on se déconnecte. C'est pourquoi certains jeunes restent collés à leur écran parfois 20 heures d'affilée, pour ne pas perdre une miette du jeu en train de se faire.

Il me semble donc trop facile d’en vouloir aux hommes politiques de prendre à bras le corps un problème de santé publique et une question de société. Ou d'accabler seulement les parents. Une loi n’est peut-être pas la solution, mais elle ouvre en tout cas la voie à un débat et une reconnaissance de ce vrai problème qu’est l’addiction aux jeux vidéos.

lundi 2 mars 2009

L'enfant sage du rock a encore fait des siennes


Souvenez-vous, il avait fait un tabac en 2000 avec sa chanson incendiaire Jeune et con. Saez revient en force cette année avec un nouvel album... Et un show typiquement saezien lors des dernières Victoires de la Musique. Pour le bonheur de ses fans, et le malheur des autres.

Petit retour en arrière
Au début des années 2000, Saez est la nouvelle égérie de la scène rock française : adulé par des milliers de fans, à la fois poète tourmenté et jeune révolté, il connaît un franc succès auprès de la jeunesse avec son opus Jours Etranges. S’ensuivent deux autres albums, God Blesse en 2002 (de loin sa meilleure création) et Debbie (2004), au succès mitigé. Saez connaît ensuite une longue période d’absence et ne revient que fin 2006 en mettant en ligne sur son site quatre nouveaux titres en anglais. Des rumeurs abondent sur le net sur une potentielle tournée, un album en anglais, puis deux en français. Finalement, le 21 avril 2008, son quatrième album intitulé Paris sort dans les bacs. Mais à son habitude, Saez ne faisant jamais dans la demi-mesure, il nous concocte une édition collector composée du triple album Varsovie – l’Alhambra – Paris.

Le hic dans sa musique
Le chanteur offre à son public une musique plus sophistiquée et des chansons plus mâtures mais qui ont du mal à se détacher les unes des autres. L’album reste très homogène, et la qualité de certaines paroles et musiques n’empêche pas un certain agacement après une écoute trop prolongée de l’album : il faut oser le dire, Saez ne sait vraiment pas chanter. L’enfant sage du rock français peine donc à se renouveler. Ce dernier album a comme un goût de déjà-vu. Ses textes poétiques et dépressifs sont moins audacieux que ceux d’un Brel, sa voix moins agréable et déchirante que celle d’un Bertrand Cantat, sa musique bien moins recherchée et percutante que celle de Noir Désir. Si Saez renoue avec le succès et son public, c'est que le chanteur semble ne pas avoir changé d’un iota : aussi révolté que dépressif, écorché et malentendant (sinon il arrêterait de chanter), apparemment il n’a pas non plus compris qu’on pouvait écrire un morceau de piano en utilisant plus de trois touches. Saez fait donc partie de ces chanteurs qu’il vaut mieux lire qu’écouter.

Un artiste bel et bien rebelle
Ses fans vous répondront que ce qui compte aussi chez Saez, c’est sa révolte, son engouement pour la jeunesse, sa croyance dans l’espoir, le rêve… En omettant de parler de son pessimisme chronique (tout comme sa dépression) et de ses tourments perpétuels : citons seulement des titres comme J’veux m’en aller, J’veux qu’on baise sur ma tombe, Que tout est noir, Quand on perd son amour ou encore Putain vous m’aurez plus. Tout un programme, parfois bien alléchant, Saez sachant jouer avec les mots bien mieux qu'avec sa voix. Quoiqu’il en soit, Saez est un rebelle. A la suite des élections présidentielles de 2002, il met en ligne une chanson anti-lepéniste intitulée Fils de France, un titre agréable et percutant, à écouter voire réécouter. Le 8 décembre 2007, rebelote : Saez met en téléchargement libre une nouvelle chanson, Jeunesse lève-toi, écrite en mars à l'occasion de la campagne présidentielle. Saez a des choses à dire, et il les dit, tant bien que mal.


Une défaite pour la musique
Malgré tout, son triple album obtient un disque d’or en 2009. Saez renoue alors avec le succès, tout en restant loin des caméras et du cercle médiatique. Exception faite de son apparition aux victoires de la musique, où il est nommé dans la catégorie Album Pop-rock. Sa venue a pourtant un arrière-goût de déjà-vu : celle de la cérémonie des victoires en 2001. On retrouve tout : la même dégaine, la même rancœur, la même voix fausse et éraillée. Ne médisons pas : cette année, le jeune révolté (à bientôt 39 ans) innove et nous propose une chanson écrite spécialement pour les victoires. Sans mâcher ses mots et avec une prose habile, il présente un texte poétique et acerbe contre la société de consommation, la crise et ses responsables, politiques ou non. C'est pourtant un beau cadeau dont on se serait bien passé. Après être arrivé nonchalemment sur scène, Saez lit son petit cahier (noir bien sûr) et nous délivre sa dernière composition, sur laquelle il y a peu de choses à redire. La prose de Saez est toujours agréable à écouter quand elle est lue, et non chantée (lisez par exemple son recueil A ton nom). Après ce bref épisode, tout se gâte. Guitare en main, le jeune homme se met à chanter sa composition, fade redite de son titre Jeunesse Lève-toi, qui n’arrive pas à la cheville de Gagnants-Perdants, la dernière chanson de Noir Désir. Entre cris déchirants et fausses notes, on se demande ce que fait cet énergumène sur la scène des Victoires. S'il n'y avait pas une petite bande qui s'inscrivait en bas de l'écran pour nous rappeler que Saez a eu un disque d'or, on aurait déjà zappé sur Les Experts (TF1) sans se poser de questions.
Comme quoi il ne suffit pas de crier fort (et surtout mal) pour être entendu ni pour être rebelle. Il ne suffit pas de mettre bout à bout des mots qui ne veulent rien dire pour être un poète. Tout le monde pourrait le faire. D’ailleurs, n’importe qui le fait, Saez en est souvent la preuve.