samedi 3 juillet 2010

Au Trocadéro, "on vend beaucoup moins de drapeaux de la France"

«Ridicule», «minable», «catastrophique». Les supporters rassemblés au Trocadéro à Paris n'ont pas assez de mots pour décrire toute leur déception après la défaite des Français face à l'Afrique du Sud. Autopsie du match.
Deux jeunes filles, qui arborent fièrement le maillot de l'équipe de France, sortent de la bouche de métro et se dirigent vers le parvis où est installé l'écran géant. Ces canadiennes originaires de Vancouver soutiennent la France, «malgré tout». «On n'y croit plus mais il faut quand même soutenir cette équipe. On aura peut-être de la chance» lâche Katherine, qui porte le numéro 13. La chance, c'est pourtant ce qu'il aura manqué aux Bleus aujourd'hui.
Aliou, vendeur de drapeaux à l'effigie des pays en compétition, fait les comptes. «Les drapeaux de la France, on en vend beaucoup moins». Les temps sont durs.

Encore quelques espoirs
Sur le faux gazon devant l'écran, au premier rang, Laurent, perruque tricolore, klaxon et maillot de rigueur, n'y croit plus guère: «on peut avoir notre chance mais j'ai un gros doute».
Crème solaire et écharpe bleu-blanc-rouge à la main, Alice, 15 ans, ne pense qu'à la victoire: «oui, on va gagner!». Premier coup de sifflet, quelques drapeaux, épars, s'agitent timidement devant l'écran géant et les maillots bleus se font rares. A chaque apparition de Domenech, les sifflets retentissent.
Aux aguets, les supporters se lèvent à chaque début d'action, en vain. La 20e minute de jeu et le but sud-africain sonnent le glas des espoirs tricolores. Certains, visionnaires, pestent: «c'est la catastrophe».
«Ca commence mal»
résume Anthony, employé de 26 ans, qui a pris son après-midi pour regarder le match. Il a troqué la veste de costard contre le maillot de Thierry Henry: «j'espère qu'ils tireront une leçon, il faut mouiller le maillot de temps en temps». Six minutes plus tard, le carton rouge de Gourcuff finit d'assommer les supporters. Des doigts d'honneur, des quolibets fusent, la tête dans les mains, les supporters déchantent. «Y'a rien là» entend-on.

«Un coup du sort»
34e minute, un nuage passe, le ciel s'assombrit. «Même le soleil fait la tronche», lâche une supportrice. Peu après, un troisième but sud-africain est finalement refusé, pour cause de hors-jeu. Des supporters, dégoûtés, se lèvent et quittent le parvis. «C'est simple, c'est la catastrophe».
A la mi-temps, peu y croient encore. «C'est le coup du sort, c'est la poisse, même si ça n'excuse rien» se rassure Laurent, aux premières loges. A côté, Tarek et Wolfgang, deux lycéens qui préparent le bac, ne savent plus quoi dire. Ils ont laissé à la maison maquillage tricolore et drapeau français, «on n'avait même pas envie aujourd'hui» confient-ils, désabusés. «Les bleus font sombrer le maillot».
Reprise de jeu, une pancarte donne le ton: «Domenech, casse-toi». Sous les applaudissements du public, l'entrée d'Henry redonne du baume au cœur: «Allez Titi !». Il faut attendre la 70e minute pour voir le public se réveiller, lorsque Malouda, sur une passe de Ribéry ouvre le score pour la France. Les drapeaux flottent enfin. Anthony, dépité: «c'est encore pire, ça prouve que quand ils veulent, ils peuvent marquer».
Dernier quart d'heure de jeu, les commentateurs sont impitoyables: «encore 25 minutes de jeu pour faire ce qu'on n'a pas fait en deux matches». Marie et Laura, étudiantes de Belfort venues en visite à Paris, sont lapidaires: «c'est la honte mais c'était prévisible».
Fin du match. «Jusqu'au bout, on n'a même pas sauvé l'honneur, malgré le but» lancent les jeunes filles, impitoyables. Anthony ne peut cacher sa déception: «De toute façon, on savait que ça se terminerait comme ça». Le concert gratuit de Féfé n'aura pas retenu les supporters français. Ils sont quelques dizaines massés devant la scène pour écouter le concert. Sur le départ, Julien et son ami sont dépités: «On n'a pas le cœur à la fête».


Reportage publié sur Libération.fr le 22 juin 2010 (photo E.F)

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